Myopathie myotubulaire
La myopathie myotubulaire provoque une grande faiblesse musculaire avec des troubles respiratoires et des difficultés à s’alimenter, le plus souvent dès la naissance et chez les garçons. En cause, la myotubularine, une protéine essentielle aux cellules musculaires. Un médicament de thérapie génique administré dans le cadre d’un essai clinique à des enfants atteints a entrainé des progrès spectaculaires.
Qu’est-ce que la myopathie myotubulaire ?
La myopathie myotubulaire (myotubular myopathy en anglais) est une maladie génétique rare qui touche les muscles (myopathie) dès la naissance ou les premiers mois de vie (congénitale) chez les garçons. Les enfants atteints manquent de tonus, tous leurs muscles sont très affaiblis. S’en suivent des difficultés importantes pour respirer et s’alimenter (téter, avaler).
À quoi est-elle due ?
La myopathie myotubulaire est due à des anomalies du gène MTM1, qui permet de fabriquer la myotubularine. Cette enzyme que l’on trouve dans toutes les cellules de l’organisme modifie un type de lipides, les phosphinositides, qui entrent dans la constitution des membranes cellulaires. En opérant ces modifications, la myotubularine régule le tri et le trafic des vésicules à l’intérieur de la cellule (un mécanisme appelé trafic membranaire). Elle participe aussi à la formation des tubules transverses, une structure spécifique aux cellules musculaires qui intervient lors de la contraction.
Dans la cellule : un trafic incessant
Le trafic membranaire est la circulation de matériel biologique d’un compartiment à un autre dans la cellule. Il se fait grâce à des petits sacs délimités par une membrane (vésicules). Il est indispensable au bon fonctionnement des cellules.
Dans la myopathie myotubulaire, l’organisation des cellules musculaires ressemble à celle des cellules musculaires en cours de maturation, les myotubes. Dans ces derniers, les noyaux sont positionnés au centre de la fibre musculaire, alors que dans les fibres musculaires matures ils sont situés à la périphérie de la cellule, sous la membrane cellulaire. Pour cette raison, on appelle la myopathie MTM1, une myopathie congénitale dite « centronucléaire » (ou myopathie avec noyaux centraux).
Un médicament de thérapie génique à l’essai
Une thérapie génique conçue à Généthon, l’AT132, qui apporte le gène MTM1, a été évaluée dans le cadre de l'essai ASPIRO. L’essai, démarré en 2017, a montré chez les enfants traités des bénéfices indéniables sur la force musculaire et les capacités respiratoires. Cependant, à la suite du décès de quatre participants montrant a priori des signes d’une pathologie hépatobiliaire pré-existante, l’essai ASPIRO a été suspendu en 2021.
Découvrez l'histoire de Jules qui a pu bénéficier du traitement par l'AT132
Comment la maladie se transmet-elle ?
Le gène MTM1 qui code la myotubularine est porté par le chromosome X, ce qui explique que ce sont principalement les garçons qui développent la maladie. Les femmes porteuses d’anomalies du gène MTM1 peuvent, quant à elles, transmettre la maladie sans présenter de signes, sauf exception.
La maladie se transmet sur le mode récessif lié à l'X : chez les femmes porteuses de l’anomalie, le risque de donner naissance à un garçon atteint de la maladie est de 50 %. S'il s'agit d'une fille, le risque qu'elle soit porteuse de l’anomalie génétique est également de 50 %.
En savoir plus sur le conseil génétique
Lorsque la maladie est présente dans la famille, une consultation de conseil génétique permet de faire le point sur les risques de transmission de la maladie dans cette famille. Il permet de savoir pour les personnes qui le souhaitent, quels risques elles ont d’être touchée par une mutation du gène MTM1 et de transmettre la maladie.
Soigner la myopathie myotubulaire
Le diagnostic et la prise en charge des personnes atteintes de myopathie myotubulaire relèvent d’une consultation pluridisciplinaire spécialisée dans les maladies neuromusculaires.
Adaptée à l'importance des symptômes, la prise en charge médicale vise essentiellement à prévenir les complications, notamment au niveau des muscles, des articulations, de l'appareil respiratoire et de l’état nutritionnel.
Un suivi, au minimum annuel (tous les 3 à 6 mois dans les formes sévères), neurologique, respiratoire, orthopédique, nutritionnel, est mis en place précocement, dès le diagnostic connu. Il permet de mettre en œuvre au bon moment et en fonction de l'évolution de chacun, les techniques de prise en charge et de soins pour limiter les conséquences de la myopathie myotubulaire.
Aider à mieux respirer
Une assistance ventilatoire peut s’avérer nécessaire dès les premiers instants de vie en raison des difficultés de l’enfant à respirer seul. Très souvent, l’enfant va devenir dépendant de la machine qui l’aide pour respirer pouvant conduire à la mise en place d’une trachéotomie.
Lorsque les difficultés respiratoires sont moins sévères et à condition que le risque de vomissements soit bien contrôlé, la ventilation est non invasive : elle se fait à l’aide d’un masque bucco-facial ou nasal.
Chez les patients atteints de myopathie myotubulaire, une amélioration au cours du temps est possible, avec une diminution des besoins en aide ventilatoire qui permet à l’enfant de passer à une ventilation seulement la nuit.
Passée cette première période néonatale, l’état respiratoire est surveillé une à plusieurs fois par an pour pouvoir ajuster les soins : des bilans respiratoires réguliers (mesure de la capacité vitale en position assise et en position couchée, de la saturation pendant le sommeil…) sont alors réalisés.
La kinésithérapie respiratoire (3 à 5 séances par semaine) et la pratique quotidienne d’hyperinsufflations passives favorisent la croissance des poumons et de la cage thoracique des enfants. Plus tard, en entretenant la souplesse de la cage thoracique, elles optimisent les capacités respiratoires.
Les vaccinations (anti-grippale, anti-pneumococcique) sont importantes et ce dès le plus jeune âge.
Permettre une bonne nutrition
Pour les bébés et les jeunes enfants atteints de myopathie myotubulaire, avoir la force de téter et avaler la nourriture est difficile.
Une assistance nutritionnelle (sonde naso-gastrique) est le plus souvent mise en place pour pallier ces difficultés initiales. Si les troubles persistent, une gastrostomie est proposée afin de maintenir un état nutritionnel satisfaisant.
La taille et le poids de l’enfant sont mesurés régulièrement. Comme les muscles sont moins gros, ils stockent moins de réserves énergétiques, il faut surveiller de près l’apport de nourriture et sa répartition dans la journée pour éviter les risques d’hypoglycémie et de déshydratation.
La texture des aliments peut être adaptée pour faciliter aussi la prise alimentaire car lorsque les muscles du visage sont affaiblis, mâcher peut s’avérer difficile et fatigant.
Une alimentation riche en fibres, légumes et fruits, une hydratation régulière et suffisante (1,5 litre/jour, pour un adulte), des conditions d'évacuation des selles régulières et confortables (calme, intimité, horaire régulier, volontiers après un repas, position favorisant la défécation...), des massages abdominaux limitent la survenue d’une éventuelle constipation.
Agir sur les muscles et la motricité
L’état musculaire et articulaire est surveillé régulièrement lors des consultations pluridisciplinaires. La prise en charge orthopédique permet d’agir pour que l’enfant/l’adolescent puisse mieux utiliser ses capacités motrices.
- Trois à cinq séances hebdomadaires de kinésithérapie orthopédique (mobilisation, étirement…) entretiennent la souplesse des articulations des membres, de la colonne vertébrale et de la cage thoracique.
- Des attelles, portées le plus souvent la nuit, permettent de maintenir les membres inférieurs dans une bonne position pour favoriser leur bon alignement.
- La surveillance clinique et radiologique de l’apparition d’une scoliose permet de mettre en place un corset qui contient la déformation de la colonne vertébrale et préserve la respiration (corset garchois), jusqu’à l’âge d’une éventuelle arthrodèse vertébrale.
Des aides au quotidien
L’utilisation d’aides techniques (fauteuil roulant électrique verticalisateur, ordinateur, domotique…) et l’adaptation des lieux de vie (domicile, école…) favorisent le maintien d’une autonomie motrice. Des modèles de fauteuils roulants électriques pour les petits existent et permette à l’enfant de retrouver une grande autonomie. Choisir des jouets légers et de taille adaptée que l'enfant pourra manipuler facilement (peluche et poupée en feutrine ou en chiffon, cubes en mousse, rubans colorés…) lui permettra de se développer et de s’épanouir comme les autres.
- Une base de données pour se renseigner
- Des services AFM-Téléthon proches de chez vous pour vous accompagner
D’autres pistes thérapeutiques et médicaments à l’essai
La recherche clinique dans la myopathie myotubulaire est très active, avec plusieurs candidats médicaments qui sont ou ont été à l’essai ces dernières années, en plus de la thérapie génique. Le soutien de l’AFM-Téléthon dans les projets de recherche ou les essais cliniques, ou d’autres associations internationales comme le Myotubular Trust contribue au développement de ces progrès thérapeutiques.
Voir les Avancées dans les myopathies congénitales
Le tamoxifène
- Le tamoxifène est un antiœstrogène utilisé depuis de nombreuses années dans le traitement de certains cancers, notamment du sein.
- En 2018, deux équipes ont montré que le tamoxifène améliore toutes les fonctions motrices et augmente significativement la durée de vie de souris modèles de myopathie myotubulaire.
- L’essai TAM4MTM en cours évalue la tolérance et l’efficacité du tamoxifène pendant 6 mois sur les fonctions motrice et respiratoire de 16 personnes présentant une myopathie myotubulaire, âgées de plus de deux ans. Il se déroule au Canada, aux États-Unis et au Royaume-Uni. Sa fin est prévue pour décembre 2023
Diminuer la dynamine 2
Dès 2014, les chercheurs ont observé que la diminution de la dynamine 2 dans des souris dépourvues de myotubularine restaure leur état de santé musculaire et leur durée de vie.
Comme la myotubularine, la dynamine 2 (DNM2) joue un rôle dans le trafic membranaire : elle coopère avec l’amphiphysine 2 (BIN1) dans le processus de formation de vésicules membranaires. Des anomalies dans les gènes DNM2 et BIN1, qui codent ces protéines, provoquent une myopathie centronucléaire.
- L’injection à des souris atteintes de myopathie myotubulaire ou centronucléaire, d’un oligonucléotide qui réduit la quantité de dynamine 2 produite, a restauré leur fonction musculaire, que l’injection ait été réalisée avant ou après l’apparition des symptômes.
- En janvier 2020, l’essai Unite-CNM a démarré chez l’homme pour étudier l’oligonucléotide DYN101 chez 18 personnes atteintes de myopathie centronucléaire due à des anomalies génétiques de DNM2 ou de MTM1 et âgées de 16 ans ou plus. Il s’agit d’une étude du devenir dans l'organisme, de la tolérance, de la sécurité d’emploi de différentes doses de DYN101 (faible, moyenne, forte).
En juillet 2022, l’essai a été arrêté du fait de problème de tolérance (élévation des enzymes hépatiques et diminution des plaquettes) de la dose supposée avoir des effets thérapeutiques.
Dynacure, le laboratoire qui a développé l'oligonucléotide DYN101, dit continuer ses efforts pour trouver une nouvelle approche thérapeutique des myopathies centronucléaires.
Mieux connaitre la myopathie myotubulaire
Afin de mieux connaitre les caractéristiques et l’évolution au cours du temps des myopathies centronucléaires dont fait partie la myopathie myotubulaire (on parle d’histoire naturelle) un recueil de données de santé international, le MTM and CNM Registry a été lancé en 2013.
Son but est de collecter au fil du temps les données de personnes atteintes de myopathie myotubulaire ou de myopathie centronucléaire, ainsi que celles de femmes transmettrices de la myopathie myotubulaire.
Les participants répondent à un questionnaire en ligne (disponible en français) sur leur diagnostic, l’anomalie génétique en cause, leur fonction motrice, leur capacité de marche, leur fonction respiratoire, le type de ventilation assistée, leur modalité de nutrition, leur fonction cardiaque… et mettent à jour les informations tous les 6 mois.
En juin 2022, l’entrepôt de données avaient recueilli celles de 428 personnes dont 20% étaient enregistrées en tant que femmes transmettrices de myopathie myotubulaire.
Par ailleurs, si le rôle de la myotubularine et de ses interactions sont mieux connues, les chercheurs poursuivent leurs travaux afin de mieux comprendre les mécanismes par lesquels un déficit en myotubularine aboutit à l’apparition une myopathie myotubulaire.
Comment se manifeste-t-elle ?
Un début dès les premiers mois de vie
Les signes de la maladie apparaissent très précocement, dès la naissance. Parfois, il existe déjà des signes durant la grossesse : les mouvements du bébé peuvent être diminués et le liquide amniotique dans lequel il baigne, trop abondant (hydramnios).
À la naissance, les muscles du bébé sont très faibles et ce dernier manque de tonus (on dit qu’il est hypotonique). Sa respiration peut être difficile dès la naissance, et l’aide d’un appareil de ventilation assistée lui permet de respirer normalement, grâce à une sonde de trachéotomie le plus souvent.
Des difficultés pour avaler, téter et/ou mâcher viennent compliquer l’alimentation, nécessitant souvent le recours à une alimentation par sonde, installée dans le nez ou dans l’estomac (sonde naso-gastrique, gastrostomie).
Chez le nourrisson, les paupières ont tendance à tomber et les yeux bougent peu. L’atteinte des muscles du visage rend celui-ci plus inexpressif.
Lorsque la maladie évolue, une déformation de la colonne vertébrale (scoliose) et des rétractions musculo-tendineuses sont fréquentes (les muscles se raccourcissent du fait de leur faiblesse).
Le foie et/ou la vésicule biliaire peut être aussi touchées (atteinte hépato-biliaire), plus ou moins gravement, pouvant provoquer une maladie hémorragique du foie (appelée péliose hépatique), une jaunisse, des calculs dans la vésicule biliaire, un gros foie et/ou une augmentation du taux de certaines enzymes du foie, les transaminases. La présence et la gravité de cette atteinte ne sont pas corrélées à la gravité de l’atteinte musculaire, ni au type d’anomalie moléculaire du gène MTM1.
Une évolution variable
La sévérité de la maladie dépend de chaque enfant. L’espérance de vie peut être de quelques mois pour certains enfants, tandis que chez d’autres, les symptômes vont s’améliorer, même s’il leur sera souvent difficile d’être sevrés de la ventilation assistée et de l’assistance nutritionnelle.
Dans près d’un cas sur 5, la faiblesse musculaire est moins sévère dans la période néonatale ou apparaît plus tard dans l’enfance par des difficultés de marche. Ces enfants acquièrent la capacité de marcher et n’ont pas besoin d’assistance ventilatoire, même si une assistance nutritionnelle (sonde naso-gastrique ou gastrostomie) reste le plus souvent indispensable. À l’adolescence ou à l’âge adulte, une atteinte respiratoire pourra rendre nécessaire une ventilation nocturne non invasive.
Chez certaines filles et femmes aussi
La plupart des femmes porteuses d’une anomalie génétique du gène MTM1 sur l’un de leurs deux chromosomes X n’ont pas de symptômes.
Certaines d’entre elles peuvent cependant présenter des signes d’atteinte sévère autour de la naissance avec une faiblesse généralisée et une atteinte respiratoire.
D’autres développent une atteinte modérée à l’âge adulte qui peut se manifester uniquement par des douleurs et une fatigue musculaire fréquente. Les différences de sévérité ne sont pas liées au type d’anomalie génétique.