Les maladies rares exclues de l’innovation thérapeutique : il est urgent d’agir face à l’inacceptable !
A quelques jours de la journée internationale des maladies rares 2022 qui sera marquée par la tenue à Paris, le 28 février, d’une conférence de haut niveau dédiée au parcours de soin et d’innovation pour les maladies rares, l’AFM-Téléthon lance un appel aux dirigeants français et européens : alors que les maladies rares sont bien souvent le fer de lance de l’innovation, les malades européens sont en passe d’être exclus de ses bénéfices thérapeutiques. 3 millions de Français, 30 millions d’Européens sont pourtant concernés.
En effet, alors que l’excellence de la recherche française, et plus largement européenne, n’est plus à démontrer, l’absence de politique volontariste de la France et de l’Europe en matière de développement de l’innovation thérapeutique se traduit aujourd’hui par une perte de chance inacceptable pour les malades. Car, si les constats convergent et si les discours sur l’indépendance sanitaire sont pléthores, la réalité pour les maladies rares est tout autre :
1- Des médicaments innovants issus de la recherche française, bénéficiant d’une AMM octroyée par l’EMA, ne sont pas accessibles aux malades européens, comme l’illustre l’exemple récent du Skysona pour l’adrénoleucodystrophie cérébrale liée à l’X.
En juillet 2021, les familles concernées par cette pathologie ont le bonheur de voir se concrétiser plus de 10 ans de recherche et d’essais cliniques avec l’Autorisation de Mise sur le Marché délivrée à la thérapie génique Skysona qui stoppe l’évolution de cette maladie neurodégénérative très sévère et mortelle. Pourtant, en août, de façon unilatérale et totalement inattendue, Bluebird Bio, le laboratoire américain qui développe Skysona, décide d’abandonner sa commercialisation en Europe pour se consacrer au seul marché américain. Une situation d’autant plus intolérable que ce traitement de thérapie génique est issu, comme beaucoup d’autres, d’une recherche menée par des équipes françaises (Dr Cartier-Lacave/Pr Aubourg, Inserm) avec le soutien des dons du Téléthon ! La situation actuelle est donc stupéfiante : il existe un traitement de thérapie génique qui peut sauver la vie des enfants atteints d’adrénoleucodystrophie liée à l’X, ce traitement est efficace et autorisé par l’EMA et, pourtant, les familles européennes devront se contenter de compter les vies sauvées outreAtlantique ! Le tout dans l’indifférence générale, notamment celle des pouvoirs publics.
2- Des projets cliniques nés dans notre pays ne trouvent aucun investisseur français ou européen.
Il y a dix ans, des médicaments de thérapie génique comme Skysona, cité ci-dessus, ou Zolgensma dans l’amyotrophie spinale, n’ont pu être développés en France avec les conséquences que l’on voit aujourd’hui sur le non-accès ou sur le prix. Aujourd’hui, rien n’a vraiment changé. A titre d’exemple, les projets de thérapie génique dédiés aux maladies rares se multiplient et ne trouvent, pour les développer, qu’essentiellement des investisseurs asiatiques ou américains. Sommes-nous donc condamnés à l’éternel dilemme : abandonner les innovations faites en France dans les placards de nos laboratoires de recherche ou les voir devenir des médicaments aux USA ou en Asie ?
3- Le développement des thérapies innovantes pour les maladies dites ultra-rares, pour lesquelles il n’y a pas de modèle commercial, dépend aujourd’hui de la générosité publique. L’innovation, des preuves de concept sont là mais les financements publics sont inexistants tout comme les financements privés lucratifs. Or, 85% des maladies rares sont des ultra-rares. Sans action spécifique, des millions de malades resteront aux portes des traitements.
Réagir… et vite ! Comment ? Une volonté politique, trois priorités :
- Utiliser tous les outils (y compris les licences d’office) permettant de produire et mettre à disposition les traitements en Europe face aux décisions unilatérales de certains industriels fermés aux alternatives, ce qui nécessite de soutenir sur nos territoires les acteurs du développement et de la bioproduction.
- Agir en amont pour permettre le développement des médicaments innovants par des sociétés françaises ou européennes en créant des fonds d’investissements proactifs, de taille significative et ayant davantage la culture du risque.
- Créer une organisation associant acteurs publics, privés non lucratifs et privés lucratifs pour financer le développement et la production de traitements contre les maladies ultra rares sans modèle commercial.
Engagés dans le développement des thérapies innovantes depuis plus de 30 ans, forts de l’espoir des familles touchées par des maladies rares incurables, nous ne pouvons-nous résoudre à baisser les bras alors qu’une véritable révolution de la médecine est lancée et qu’elle doit beaucoup à la recherche menée pour les maladies rares.
La France et l’Europe ont été pionnières dans la mise en place de politiques dédiées aux maladies rares, elles doivent impérativement réagir et mettre en place dès maintenant les actions ambitieuses qui garantiront aux malades européens l’accès à cette médecine innovante qui bénéficie également aux maladies plus fréquentes. L’enjeu ? L’accès au droit le plus fondamental, celui de la santé pour tous.