La thérapie génique Zolgensma : précision sur son prix et rôle joué par Généthon.
Généthon, le laboratoire de l’AFM-Téléthon, a contribué à la mise au point de cette thérapie au stade pré-clinique. Aujourd'hui, le traitement issu de ces recherches pionnières est commercialisé par une biotech américaine rachetée par Novartis. Précisions sur son prix et sur le rôle joué par Généthon, le labo du Téléthon.
Qu’est-ce que le Zolgensma ?
Le Zolgensma est le premier de traitement de thérapie génique pour une maladie neuromusculaire ayant reçu une autorisation de mise sur le marché en Europe, au Japon et aux USA. Il permet de traiter des bébés atteints de la forme la plus sévère d’amyotrophie spinale (SMA), une maladie des motoneurones qui tue les enfants avant l’âge de deux ans. Plus de 2300 enfants en ont bénéficié dans le monde (dont une soixantaine en France).
Cette thérapie génique consiste à apporter, en une injection, un gène-médicament dans les motoneurones qui permet de pallier la déficience du gène responsable de la maladie. Elle permet, dans la plupart des cas, de sauver la vie des enfants qui retrouvent des forces (s’asseoir, manger seuls, dessiner, se tenir debout pour certains), grandissent, fêtent leurs anniversaires, font leur rentrée scolaire… Administrée en pré-symptomatique (quelques jours après la naissance dans les pays où la SMA bénéficie d’un dépistage néo-natal), cette thérapie génique a montré des résultats spectaculaires.
En bref : Le Zolgensma est un médicament de thérapie génique qui, en une seule injection, sauve la vie d’enfants condamnés avant l’âge de deux ans, et leur permet de grandir et retrouver des forces.
En quoi Généthon, le laboratoire du Téléthon, a-t-il contribué à cette avancée ?
Généthon, le laboratoire de l’AFM-Téléthon, a contribué à la mise au point de ce médicament innovant et de sa voie d’administration grâce aux travaux pionniers réalisés par l’une de ses équipes menée par Martine Barkats.
La chercheuse française a montré qu’un vecteur de type AAV9 était capable de franchir la barrière hémato-encéphalique et donc d’atteindre les motoneurones, qui dysfonctionnent dans l’amyotrophie spinale.
Elle a également démontré que ce vecteur portant le gène smn1 prolongeait la durée de vie de souris malades. Ces découvertes ont fait l’objet de brevets déposés dès 2007 par Généthon et le CNRS, puis de publications en 2009 et 2011 dans des revues scientifiques (Molecular Therapy, Human Gene Therapy).
Une fois protégées par un brevet, les découvertes scientifiques sont, en effet, publiées ou diffusées dans les congrès pour permettre à toutes les équipes de les utiliser pour des recherches ou le développement de thérapies. Dans l’amyotrophie spinale, les Américains, en créant la biotech AveXis dès 2013, ont mis tout en œuvre et levé des centaines de millions pour lancer très vite les essais chez l’Homme qui se sont révélés concluants. L’AFM-Téléthon, de son côté, ne disposait pas des moyens financiers pour mener ces essais.
En 2018, alors que la thérapie génique démontre son efficacité dans les essais menés aux Etats-Unis et que le laboratoire américain s’apprête à demander une autorisation de mise sur le marché, Généthon et le CNRS octroient à AveXis (rachetée par la suite par Novartis) une licence lui permettant d’utiliser leurs technologies et ainsi de rendre le traitement disponible. Cette licence d’utilisation fait l’objet d’une rémunération pour Généthon et le CNRS à travers notamment des redevances sur les ventes du Zolgensma.
En bref : Généthon, le laboratoire de l’AFM-Téléthon, a contribué à la mise au point de cette thérapie au stade pré-clinique. Le développement du médicament et les essais cliniques qui ont nécessité plusieurs centaines de millions d’euros ont été menés par une biotech américaine rachetée par Novartis qui commercialise aujourd’hui le médicament. Généthon et le CNRS perçoivent une rétribution pour leurs technologies brevetées à travers des redevances perçues sur les ventes du médicament.
En bref : le prix du Zolgensma résulte du système actuel de fixation des prix du médicament ainsi que de l’incapacité de notre pays à permettre la transformation de la recherche en médicaments. L'AFM-Téléthon appelle, depuis de nombreuses années, les pouvoirs publics à la mise en place d’un écosystème permettant le développement et le financement en France de l’innovation thérapeutique.
Pourquoi une partie des redevances perçues par Généthon et le CNRS a-t-elle été cédée ?
Généthon est un laboratoire à but non lucratif. Sa mission est de mettre au point des traitements de thérapie génique pour des maladies génétiques rares, le plus souvent mortelles et sans solution thérapeutique.
Son financement est assuré par l’AFM-Téléthon (via les recettes des animations organisées lors du Téléthon) et des ressources propres issues de partenariats ou des redevances de ses découvertes (brevets). Des ressources intégralement dédiées à son activité : Généthon est une association loi 1901, il n’a donc pas d’actionnaires à rétribuer. En revanche, Généthon a un engagement (c’est sa raison d’être) vis-à-vis des familles et des malades qui attendent des traitements innovants pour lesquels il est un des principaux acteurs mondiaux, le seul à se dédier exclusivement aux maladies rares et ultra-rares qui mobilisent si peu les acteurs privés.
12 médicaments de thérapie génique qu’il a développés ou contribués à développer sont aujourd’hui en essai clinique dans plusieurs dizaines de sites cliniques à travers le monde et 5 devraient y entrer dans les trois prochaines années. Son budget annuel pour 2022 s’élève à environ 50 M€ et ses besoins pour amener tous ses projets actuels jusqu’à la mise à disposition des patients est de l’ordre de 600 M€. Un financement que l’AFM-Téléthon ne peut assurer seule.
Pour disposer des moyens de poursuivre ses projets de recherche et ses essais cliniques dans un contexte très difficile depuis 2020, Généthon a décidé de céder une partie des redevances encore à percevoir sur les ventes du Zolgensma contre un paiement forfaitaire et immédiat. C’est l’objet de l’opération de cession de créances (et non de cession de brevets, les brevets sont toujours la propriété de Généthon et du CNRS) menée avec l’institution financière canadienne Sixth Street, via une de ses filiales européennes, Canach. Ce type d’accord est une forme de financement assez courante parmi les entreprises privées ainsi que les institutions académiques et organisations à but non lucratif en particulier à l’étranger.
Cet accord n’a aucune conséquence sur les ventes ou sur le prix du Zolgensma, fixé bien avant cette opération. Il permet juste à Généthon de disposer des moyens de financer aujourd’hui les programmes de recherche et essais cliniques en cours qu’il serait dramatique de devoir stopper ou ralentir.
En bref : Généthon mène des recherches et des essais cliniques portant sur des maladies rares et ultra-rares qui peinent à trouver des financements tant du côté des pouvoirs publics que du côté des investisseurs privés. Généthon a besoin de moyens bien au-delà de ce que le Téléthon peut lui apporter pour mener à bien ses projets et transformer la recherche en traitements. L’opération de cession d’une partie des redevances futures contre un paiement forfaitaire et immédiat a donc été menée par Généthon pour lui donner les moyens de poursuivre ses programmes dans un contexte difficile depuis 2020. Cette cession ne concerne en aucun cas le brevet lui-même (qui lui appartient toujours ainsi qu’au CNRS) et n’a, en outre, aucune incidence sur le prix du Zolgensma.
Comment s’explique le prix du Zolgensma ?
Le prix du Zolgensma est sans rapport avec le montant des redevances perçues par Généthon et le CNRS, les redevances correspondant à la rémunération de l’innovation issue des recherches de Généthon et du CNRS.
Il résulte :
A noter que le prix annoncé d’un médicament ne correspond en rien au prix réellement payé et que le prix en Europe est toujours nettement inférieur au prix américain. Le prix du Zolgensma n’est d’ailleurs pas encore fixé en France : il est toujours en négociation avec les autorités. Ce qui n’empêche pas les bébés français d’en bénéficier, via le système français d’accès précoce aux innovations thérapeutiques.
L’AFM-Téléthon a, à de nombreuses reprises, interpelé le gouvernement sur l’incapacité qu’a la France de développer sur son territoire les innovations nées dans les laboratoires de recherche français. Et, malgré nos multiples alertes, l’Etat français n’a toujours pas mis en place les outils et capacités financières pour permettre ce développement ! Conséquence : les découvertes nées dans nos laboratoires français se transforment en médicaments aux Etats-Unis et nous reviennent à des prix inacceptables.