Myotonie congénitale de Thomsen

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D’origine génétique, la myotonie congénitale de Thomsen a été décrite pour la première fois en 1876 par Asmus Julius Thomsen, un médecin danois qui en était lui-même atteint. Il s’agit d’une maladie rare, qui débute le plus souvent dans la petite enfance. Les muscles ont du mal à se relâcher en fin de contraction (myotonie), un symptôme accessible à des mesures de prévention, voire à des médicaments en cas de gêne importante. La recherche sur cette maladie est particulièrement active en France.

À quoi est due la myotonie de Thomsen ?

Il s’agit d’une maladie d'origine génétique, provoquée par à une anomalie (mutation) du gène CLCN1. Cette mutation se transmet selon le mode autosomique dominant, par le père ou par la mère. Ce parent est lui-même malade : il a l'anomalie génétique sur l’un de ses chromosomes. Dans d’autres cas, il n’existe pas d’autres cas dans la famille :  on parle alors de mutation sporadique ou spontanée. 

Le gène CLCN1 code un canal ionique qui permet l’entrée et la sortie du chlore dans les cellules des muscles squelettiques. Ce canal joue un rôle déterminant dans la contraction et le relâchement musculaires. La mutation dans ce gène responsable de la myotonie congénitale de Thomsen entraine une hyperexcitabilité des fibres musculaires. 

Les bons mots
• La myotonie congénitale de Thomsen appartient  à la famille des myotonies non dystrophiques. L’expression « non dystrophiques » les opposent aux dystrophies myotoniques (de type 1 ou maladie de Steinert, de type 2) qui comportent à la fois des difficultés à relâcher les muscles (myotonie) et une dystrophie des cellules musculaires, c’est-à-dire la coexistence de cellules en dégénérescence et de cellules jeunes, visibles en observant le muscle (biopsie) au microscope. 
• Les myotonies non dystrophiques représentent un sous-groupe de canalopathies musculaires, des maladies dans lesquelles les canaux ioniques musculaire (sodium, potassium, calcium ou chlore) sont altérés.

Comment la reconnaitre ?

La myotonie congénitale de Thomsen commence à se manifester dans l’enfance, parfois dès les premiers mois de vie.

Des muscles difficiles à décontracter

Les personnes atteintes de myotonie de Thomsen rencontrent des difficultés à stopper la contraction des muscles des membres, plus rarement du visage, après un mouvement volontaire surtout s’il est brusque. Ce symptôme, appelé myotonie, est ressenti comme une crampe, une raideur ou une crispation musculaire. Il peut entrainer une sorte de blocage musculaire, provoquant par exemple des difficultés pour s’alimenter, une fausse route (on avale de travers), des chutes (muscles des jambes), une vision double (muscles des yeux), des difficultés à réouvrir les yeux lors des pleurs…

La myotonie peut s’associer à une sensation plus durable de courbatures musculaires. Elle s’améliore avec la répétition du mouvement et s’aggrave avec le repos ou l’inactivité prolongée (station assise), le stress, les émotions, la grossesse, parfois le froid. 

Une hypertrophie musculaire paradoxale

De façon surprenante, alors que les personnes atteintes de myotonie de Thomsen ont tendance à éviter l’activité physique à cause de leurs symptômes, ils ont parfois des muscles augmentés de volume (hypertrophie musculaire) au niveau des membres inférieurs, parfois des membres supérieurs et de la nuque. 

Cette hypertrophie résulte des contractions musculaires involontaires répétées (myotonies) qui ont, à la longue, un effet comparable à celui de l’exercice physique. Elle reste en général modérée dans la myotonie congénitale de Thomsen.

Bon à savoir

La myotonie congénitale de Thomsen évolue peu au fil des années.  Elle ne modifie pas l'espérance de vie des personnes qui en sont atteintes.

Thomsen ou Becker ?

Les myotonies congénitales de Becker et de Thomsen sont toutes deux provoquées par des mutations du gène CLCN1. Elles se manifestent de la même façon. Cependant, la myotonie de Thomsen est souvent moins sévère que celle de Becker. Elle apparait également souvent plus tôt dans l’enfance et serait près de deux fois plus fréquente. Mais ces deux maladies se différencient surtout par le mode de transmission de l’anomalie génétique : autosomique récessif pour la myotonie de Becker, autosomique dominant pour celle de Thomsen. 

Quels examens pour faire le diagnostic ?

  • L’existence de phénomènes myotoniques qui disparaissent de façon progressive avec la répétition du mouvement, associée à une éventuelle hypertrophie musculaire, a fortiori s’il existe des antécédents familiaux en faveur d’une transmission autosomique dominante, oriente le diagnostic vers la myotonie de Thomsen.
  • Le médecin peut mettre en évidence la lenteur du relâchement musculaire de deux façons : en faisant réaliser une contraction volontaire (serrer la main, tenir un objet…) et en percutant un muscle avec un marteau à réflexe. Il peut rechercher une amélioration de la myotonie à l’effort par la répétition d’un mouvement (fermer-ouvrir une main ou les yeux).
  • L'électromyogramme, qui enregistre de l'activité électrique du muscle, montre un aspect caractéristique de myotonie congénitale au repos et lors de la répétition d’efforts brefs. Un test de refroidissement retrouve des anomalies évocatrices de myotonie congénitale de Thomsen. En revanche, l’électromyogramme est normal lors d’un effort long.
  • Il est aussi possible de réaliser un test génétique à partir d'une prise de sang pour rechercher une mutation du gène CLC1

En savoir plus sur les actions de la filière Filnemus pour réduire l’errance diagnostique dans les maladies neuromusculaires  

Qui consulter ?

Sur 100 000 personnes, une seule est atteinte de myotonie de Thomsen ou de Becker. La probabilité pour qu’un médecin ou un kinésithérapeute non spécialisé connaissent ces maladies, leur diagnostic et leur prise en charge est donc infime. C’est pourquoi il est recommandé de se faire suivre dans le cadre d’une consultation pluridisciplinaire dédiée aux maladies neuromusculaires.

À l’étape du diagnostic puis du traitement et du suivi, la consultation pluridisciplinaire peut se faire épauler si nécessaire par le Centre national de référence des canalopathies musculaires, situé à l’Hôpital de la Pitié-Salpêtrière (Paris).

Les missions du centre expert
Le Centre national de référence des canalopathies musculaires a pour objectif de faciliter l’accès au diagnostic et la prise en charge des patients et pour ce faire son équipe :
• apporte son expertise au réseau des consultations pluridisciplinaires,
• mène des actions de soins, de recherche, de formation et d’information des professionnels de santé et des personnes malades,
• établit et diffuse des protocoles de diagnostic et de prise en charge des canalopathies, au fur et à mesure des progrès des connaissances.

Quel est le traitement ?

La prise en charge vise à améliorer le confort de vie des personnes atteintes de myotonie congénitale de Thomsen et à prévenir les complications, par exemple liées à une anesthésie.

  • La prise en charge de la myotonie fait appel à la kinésithérapie (massages décontracturants, étirements, balnéothérapie…).
  • Si la gêne est importante, le médecin peut prescrire un médicament comme la mexilétine (Namuscla®)
  • En complément, il faut éviter ou limiter les facteurs qui favorisent ou aggravent les symptômes (stress, repos prolongé…), autant que faire se peut,
  • La carte d’urgence Syndromes myotoniques non dystrophiques de la filière FILNEMUS présente les recommandations importantes pour la sécurité et la prise en charge médicale d’urgence d'une personne atteinte de myotonie congénitale de Thomsen.
  • Des précautions anesthésiques particulières sont nécessaires car certains produits anesthésiques peuvent aggraver les symptômes. Il est donc important de toujours prévenir l'anesthésiste et le chirurgien de l'existence de la myotonie congénitale de Thomsen et de leur présenter la carte d’urgence, et ce quel que soit le type d'intervention chirurgicale. L'anesthésiste saura alors quels produits utiliser.
  • Recourir à une consultation de conseil génétique permet de s’informer sur les risques de transmettre la myotonie congénitale de Thomsen lorsque l’on en est atteint, ou sur le risque de l’avoir soi-même lorsque ce diagnostic a été porté chez un membre de sa famille.

Où en est la recherche ?

La France est très active dans la recherche sur les maladies des canaux ioniques (canalopathies) musculaires, dont la myotonie congénitale de Thomsen fait partie. 

Dès 2001, des médecins et des chercheurs ont constitué dans l’hexagone un consortium nommé Resocanaux, que coordonne le Pr Bertrand Fontaine, directeur médical et scientifique de l’Institut de Myologie (Paris). Ce réseau recueille les données de suivi de personnes atteintes de canalopathies musculaires et de maladies apparentées avec l’objectif de mieux connaitre ces pathologies et de faire progresser leur traitement, via le déploiement d’essais cliniques.

En chiffres

  • 30 articles médico-scientifiques sur les myotonies congénitales publiés au cours de l’année écoulée sur Pubmed (consulté le 20 juin 2023)
  • 5 essaisou études cliniques en cours dans les myotonies congénitales, répertoriés sur Clinicaltrials.gov (consulté le 20 juin 2023)

Des médicaments contre la myotonie évalués

Deux essais cliniques sont en cours en France : 

  • à Paris, un essai en ouvert et son extension porte sur la mexilétine (Namuscla®) chez des enfants et adolescents âgés de 6 à 18 ans et atteints, notamment, de myotonie congénitale.
  • à Lille et à Paris, des adultes atteints de myotonie non dystrophique, comme la myotonie congénitale de Thomsen, et traités par mexilétine sont suivis durant trois ans pour mesurer l’efficacité et la tolérance à long terme du médicament.

Au Danemark et au Royaume-Uni, deux essais cliniques comparent l’efficacité de la mexilétine (Namuscla®) à celle de la lamotrigine (Lamictal®) chez des adultes atteints de myotonies non dystrophiques.

Des cellules améliorées par l’acide niflumique 

Les mutations du gène CLCN1 responsables des myotonies congénitales  provoquent une perte ou une altération du fonctionnement des canaux chlore musculaires. En Italie, des chercheurs ont étudié l’effet de l’acide niflumique, un anti-inflammatoire commercialisé de longue date, sur les canaux chlore de cellules où avaient été transférées le gène CLCN1 muté. 

Ils ont constaté que ce médicament exerce une activité de chaperon pharmacologique, c’est-à-dire qu’il se lie aux canaux chlore mutés, leur permettant d’échapper au « contrôle qualité » exercé par le réticulum endoplasmique, lequel devrait conduire à leur dégradation. Les canaux peuvent ainsi parvenir jusqu’à la membrane de la cellule. L’acide niflumique restaure le passage de chlore à travers la membrane, à un niveau similaire à celui atteint avec des cellules qui ne sont pas porteuses du gène muté. Reste à vérifier les effets de l’acide niflumique dans des cellules de personnes atteintes de myotonie congénitale, avant d’envisager un éventuel essai clinique.