Myosite à inclusions sporadique

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Non héréditaire, la myosite à inclusions est une maladie rare des muscles qui provoque une faiblesse musculaire progressive, liée à un dysfonctionnement du système immunitaire. Elle résiste aux médicaments habituels des autres formes de myosites mais des essais cliniques sont en cours dans plusieurs pays, et notamment en France, pour développer des traitements efficaces.

C’est quoi ?

La myosite à inclusions sporadique fait partie des myopathies inflammatoires (ou myosites idiopathiques). C’est même la plus fréquente d’entre elles passé l’âge de 50 ans.
Elle toucherait environ 5 personnes sur un million, et deux à trois fois plus d’hommes que de femmes. Il s’agit d’une maladie auto-immune : le système immunitaire produit des anticorps dirigés contre des constituants des muscles.

Vous avez dit « myosite à inclusions sporadique » ? 
• « myo » indique que la maladie touche les muscles.
• « ite » est utilisé en médecine lorsqu’existe une inflammation, comme dans l’otite (inflammation de l’oreille) et la tendinite (inflammation du tendon).
• « inclusions » indique la présence, à l’intérieur des cellules musculaires, d’une substance qui n’appartient pas à ses constituants normaux, en l’occurrence des dépôts de protéines.
• « sporadique » exprime le fait que la myosite ne touche qu’une seule personne dans une famille, sans transmission (génétique) d’une génération à l’autre. Cet adjectif permet de différencier la myosite à inclusions sporadique d’une autre maladie musculaire, la myopathie à inclusions héréditaire qui est d’origine génétique (anomalie du gène GNE) et ne comporte pas d’inflammation du muscle.

Inflammation et vieillissement accéléré du muscle

Les muscles d’une personne atteinte de myosite à inclusions sporadique (sporadic inclusion body myositis en anglais) sont touchés par deux types de phénomènes :

  • une inflammation, liée à la présence de cellules immunitaires. Normalement, ces cellules défendent l’organisme contre les microbes. Dans la myosite à inclusions sporadique, il n’y a pas d’infection par un microbe. La présence des cellules immunitaires signe l’existence d’un phénomène dit « auto-immun » : le système immunitaire réagit à des constituants des cellules musculaires, et non plus seulement à des éléments extérieurs à l’organisme.
  • une dégénérescence (vieillissement prématuré). Dans la myosite à inclusions sporadique, il se produit une accumulation anormale de plusieurs protéines (béta-amyloïde, tau phosphorylé, ubiquitines…) à l'intérieur des cellules musculaires. Ces dépôts sont toxiques pour les muscles et entrainent leur dégénérescence. Les chercheurs ne savent pas encore si c’est la réaction auto-immune qui provoque la dégénérescence des cellules musculaires ou si, à l’inverse, c’est la dégénérescence qui entraine la réaction auto-immune.

Deux organes, deux conséquences

Des dépôts anormaux de protéines tau et bêta amyloïdes se produisent, au cours de la maladie d’Alzheimer, dans le cerveau où ils entrainent une dégénérescence des neurones et des troubles de fonctions cognitives, comme la mémoire. Dans la myosite à inclusions, ces mêmes protéines se déposent aussi de façon anormale, mais uniquement dans les muscles, donc sans conséquence aucune sur les fonctions cognitives.

Quels sont les symptômes ?

La myosite à inclusions sporadique provoque une faiblesse musculaire qui apparaît toujours après l’âge de 30 ans, le plus souvent après l’âge de 50 ans.
Différents muscles peuvent être touchés et en particulier :

  • le quadriceps, qui permet d’étendre la jambe et de fléchir la cuisse,
  • les fléchisseurs des doigts,
  • ceux du dos, du cou et de la gorge.

Cette perte de force musculaire se manifeste à terme, par des difficultés pour courir, marcher, monter et descendre les escaliers, se relever d’une chaise, boutonner une chemise ou un manteau, serrer les mains, utiliser des outils, tenir un stylo, des couverts, se tenir droit ou encore avaler (dysphagie).

Des douleurs musculaires (myalgies) sont également possibles.

Une évolution très progressive

L’évolution de la myosite à inclusions sporadique est lente. Le déficit musculaire augmente peu à peu, avec atteinte d’un nombre croissant de muscles qui, à terme, tendent à s’atrophier. Avec les années, il devient souvent nécessaire d’utiliser une canne, puis un fauteuil roulant pour parcourir de longues distances. En revanche, l’espérance de vie d’une personne atteinte d’une myosite à inclusions est comparable à celle qu’une personne qui n’en est pas atteinte.

Bon à savoir

Contrairement à d’autres formes des myopathies inflammatoires, la myosite à inclusions sporadique n’entraine pas d’augmentation du risque de développer un cancer.

Comment est fait le diagnostic ?

Il s’appuie sur les symptômes, l’examen clinique réalisé par le médecin et des examens complémentaires : prises de sang pour doser l’enzyme musculaire créatine kinase (CK ou CPK pour créatine phosphokinase) et rechercher des auto-anticorps, imagerie par résonance magnétique(IRM) ou échographie musculaire, biopsie musculaire… 

De nouveaux critères  

Une trentaine d’experts se sont réunis en juin 2023 dans le cadre d’un atelier de l'European Neuromuscular Centre (ENMC) pour actualiser les critères nécessaires au diagnostic de myosite à inclusions. 
Sont désormais en faveur du diagnostic :
•    un début à un âge supérieur ou égal à 45 ans,
•    une faiblesse musculaire progressive depuis un an ou plus,
•    un taux de CK inférieur ou égal à 15 fois la normale,
•    une atteinte des muscles fléchisseurs profonds des doigts et/ou des extenseurs des genoux, souvent asymétrique et accompagnée de difficultés à avaler.

Et pour les examens complémentaires : 
•    à la biopsie musculaire des vacuoles dites « bordées » (dégénérescence) et/ou des agrégats de protéines (inclusions) dans les fibres, un infiltrat inflammatoire dans le tissu conjonctif qui entoure les fibres (endomysium),  
•    des anomalies des mitochondries sur cette même biopsie,  
•    des auto-anticorps anti-cN1a, 
•    des images typiques de la maladie à l’IRM et/ou à l’échographie musculaire.   

Un auto-anticorps, qu’est-ce que c’est ? 
Secrété par des cellules du système immunitaire, les lymphocytes B, un anticorps est une protéine qui reconnaît et se fixe de façon spécifique à une substance étrangère à l’organisme (antigène), pour en faciliter l’élimination.
• Un auto-anticorps est également produit par le système immunitaire. Il reconnaît et se fixe spécifiquement sur un constituant de l’organisme, par exemple une molécule qui entre dans la composition du muscle.
 • Une trentaine d’auto-anticorps différents ont déjà été identifiés dans le sang des personnes atteintes des différentes myopathies inflammatoires. L’autoanticorps anti-cN1A est évocateur de myosite à inclusions, même s’il n’est pas toujours présent ni spécifique puisqu’il est également présent dans d’autres maladies auto-immunes. 

Quel est le traitement ?

Les médicaments habituellement utilisés pour soigner les autres myopathies inflammatoires ne sont pas efficaces dans la myosite à inclusions sporadique.
Actuellement, son traitement fait appel à :

  • la kinésithérapie, qui doit commencer dès le diagnostic posé, sur un rythme de 2 à 3 séances par semaine dans l’idéal, pour prévenir les chutes et les rétractions des muscles et tendons, soulager la douleur et ralentir la vitesse de progression de la maladie. Les séances pratiquées en eau chaude (kinébalnéothérapie) favorisent de surcroît la détente musculaire et facilite les mouvements.
  • en complément, la pratique régulière (au mieux quotidienne) d’une activité physique adaptée aux possibilités physiques est recommandée. Son rythme, son intensité et sa nature (marche, vélo d’appartement, aquagym…) sont à définir avec le kinésithérapeute ou le médecin de rééducation.
  • avec le concours d'un(e) ergothérapeute, une adaptation de l’environnement à domicile aide à réduire le risque de chutes, tout comme l’utilisation de différentes aides techniques (releveur de pied, genouillère, attelle cruro-pédieuse, canne…) qui de surcroit contribuent au maintien d’une certaine autonomie.
  • les difficultés à avaler nécessite une rééducation (orthophoniste, kinésithérapie) et une modification des habitudes alimentaires (temps consacré au repas, posture, texture des aliments…) pour prévenir les fausses routes, parfois une chirurgie, des perfusions d’immunoglobulines polyvalentes.
  • la prévention des infections respiratoires est importante, avec vaccinationnotamment contre la grippe et le SARS-CoV2, voire contre le pneumocoque,
  • une anxiété importante ou une dépression nécessite une prise en charge par un(e) psychologue ou un(e) psychiatre.

Un suivi par un centre spécialisé

La fréquence des consultations de suivi pour la myosite à inclusions sporadique varie en fonction des symptômes ressentis, au minimum un rendez-vous par an (suivi musculaire, épreuves fonctionnelles respiratoires, évaluation de la déglutition, poids…).

Plusieurs experts sont nécessaires à la prise en charge optimale d’une personne atteinte de myosite à inclusions sporadique : spécialiste de médecine interne, médecin de rééducation, kinésithérapeute... Il est donc conseillé de se faire suivre par une consultation pluridisciplinaire spécialisée :

  • soit de la filière de santé des maladies rares neuromusculaires FILNEMUS,
  • soit de la filière de santé des maladies auto-immunes et auto-inflammatoires rares FAI2R.

 L'Hôpital de la Pitié-Salpêtrière (équipe du Pr Olivier Benveniste) est devenu fin 2023 le Centre de référence des myopathies inflammatoires de la filière Filnemus. C'est le seul en France à être dédié aux myosites. À ce titre, son équipe exerce des missions de soins (hospitalisation, consultation), de recherche (essais cliniques notamment), d’harmonisation des pratiques et de formation. Elle peut également être sollicitée pour un avis par un autre centre expert ou par un professionnel de santé libéral ou hospitalier. 

Deux documents d’information

Pour les personnes concernées 

Élaboré par l’AFM-Téléthon avec le concours d’experts et de personnes malades, le Zoom sur…les myopathies inflammatoires apporte des réponses précises et concrètes pour vivre au mieux avec une myosite, et en particulier avec une myosite à inclusions. 

Pour leurs professionnels de santé

Publié en septembre 2021, le protocole national de diagnostic et de soins (PNDS) de la myosite à inclusions sporadique détaille, à l’attention des professionnels de santé, la démarche diagnostique et la prise en charge optimales d’une personne atteinte de myosite à inclusions sporadique. Il s’accompagne d’une synthèse à destination du médecin traitant.

Où en est la recherche ?

Les équipes de chercheurs travaillent sur la myosite à inclusions sporadique afin non seulement de mieux comprendre cette maladie, mais aussi de mettre au point de nouveaux traitements, notamment médicamenteux.

En chiffres

  • 11 essais ou études cliniques en cours ou en préparation dans la myosite à inclusions sporadique sur le site ClinicalTrials.gov (consulté le 14 juin 2024).
  • 123 articles sur la myosite à inclusions sporadique publiés dans la littérature médicale et scientifique au cours des 12 derniers mois d'après Pubmed (consulté le 14 juin 2024).

Mieux connaître

Des progrès sont encore nécessaires pour parvenir à définir avec précision les mécanismes de la myosite à inclusions sporadique, mais aussi pour affiner les connaissances sur : 

  • ses manifestations possibles, lesquelles seraient atypiques (difficulté à avaler isolées, déficit des muscles releveurs des pieds, des épaules, des bras ou encore du visage…) dans plus d’un cas sur dix, ce qui peut retarder le diagnostic.
  • son évolution (histoire naturelle), notamment grâce à la collecte et à l’analyse des données de suivi médical des personnes atteintes de myosites, comme celles de la base de données française sur les myosites MASC2 (Hôpital de la Pitié-Salpêtrière) ou du registre anglophone dédié à la myosite à inclusions IBMR (pour Inclusion Body Myositis Disease Registry) aux États-Unis. 

Les congrès médicaux et scientifiques, comme celui de la Société française de myologie (SFM), sont l’occasion pour les chercheurs de partager leurs avancées.  

VOIR LES AVANCEES DE LA RECHERCHE DANS LES MYOSITES

Mieux soigner

Les médicaments déjà disponibles pour traiter les myopathies inflammatoires se montrent inefficaces dans la myosite à inclusions sporadique, probablement parce que son mécanisme est un peu différent : il est à la fois auto-immun et dégénératif, et pas seulement auto-immun.

Plusieurs essais cliniques sont en cours, dont certains en France, dans la myosite à inclusions. 

  • Ils portent sur des médicaments déjà commercialisés pour soigner d’autres maladies, comme la rapamycine (sirolimus). Cet immunosuppresseur utilisé pour limiter le risque de rejet après les greffes de rein a fait l’objet en France d’un essai clinique soutenu par l’AFM-Téléthon, avec des résultats suffisants pour justifier le lancement d'un essai de phase III aux États-Unis, en Australie, au Royaume-Uni, en Allemagne et aux Pays-Bas.
  • D’autres médicaments à l’essai, notamment en France, sont encore en développement, comme l’ABC008 (ou ulviprubart), un anticorps dirigé comme une molécule (KLRG1) présente à la surface de certains lymphocytes, des cellules du sang dont l’activation serait responsable de la maladie.
  • Très différente, la thérapie cellulaire consiste à greffer des cellules, le plus souvent obtenues à partir de cellules souches, non malades, prélevées sur la personne malade ou sur un donneur, pour réparer ou régénérer un organe ou un tissu endommagé. Cette stratégie fait l’objet de deux essais cliniques dans la myosite à inclusions, dont l’un en France (Hôpital Pitié-Salpêtrière, Paris), soutenu par l’AFM-Téléthon. 
  • L'Institut de myologie (Paris) a évalué la sécurité et l'efficacité de deux exosquelettes des membres inférieurs (genoux, hanches) via des essais dont les résultats sont en attente de publication. Ces dispositifs robotisés fournissent une assistance aux mouvements, pour compenser la faiblesse des muscles et gagner en autonomie. Des études ont également montré leur utilité dans le cadre de la rééducation

VOIR LES ESSAIS ET ETUDES CLINIQUES EN FRANCE DANS LA MYOSITE À INCLUSIONS