Fibrodysplasie ossifiante progressive

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Ultra-rare, la fibrodysplasie ossifiante progressive ou maladie de l’homme de pierre se manifeste le plus souvent dès l’enfance par une ossification croissante des muscles. Mais quelle est sa cause ? Comment limiter le risque de poussées ? Quels traitements sont disponibles ? Et existe-t-il des essais cliniques en France ?

Infographie Fibrodysplasie ossifiante progressive (FOP) : Environ 100 personnes concernées en France. Une maladie liée à une mutation du gène ACVR1. Du tissu osseux se développe dans les muscles, les tendons...

Hallux valgus à la naissance... et si c’était une FOP ?

L’hallux valgus désigne une déviation des gros orteils vers l’extérieur (on parle aussi d’oignon) et survient, dans l’écrasante majorité des cas, chez la femme de plus de 40 ans.  Sa présence dès la naissance (congénital), chez la petite fille comme chez le petit garçon, doit faire évoquer une fibrodysplasie ossifiante progressive (FOP), laquelle peut s’accompagner d’autres anomalies congénitales comme des gros orteils courts et/ou des pouces raccourcis. 

L’hallux valgus congénital est quasi constant dans la FOP. De façon exceptionnelle, il est repéré avant même la naissance de bébé, lors d’une échographie. La maladie peut également se manifester dès les premiers mois de vie par l’apparition de petites boules sous le cuir chevelu. Elles sont parfois douloureuses et peuvent disparaitre en quelques jours.

Dès la naissance, l’AFM-Téléthon répond présent !
Le réseau en régions de l’AFM-Téléthon accompagne enfants et adultes atteints de fibrodysplasie ossifiante progressive. Pour en savoir plus sur les possibilités qu’offre cet accompagnement et connaitre les coordonnées de votre Service régional, rendez-vous sur la page Être accompagné par des professionnels.

Une évolution par poussées

La fibrodysplasie ossifiante progressive se caractérise par le développement d’ossifications dites « hétérotopiques », c’est-à-dire localisées à des endroits du corps où elles ne devraient pas se trouver : dans des muscles squelettiques et des tissus conjonctifs (ligaments, tendons, capsules articulaires...). Ce néo-tissu osseux est une zone plus dure que les tissus environnants et, souvent douloureuse.

Trois noms différents pour une même maladie
La fibrodysplasie ossifiante progressive est également appelée maladie de l’homme de pierre, en raison des ossifications qui la caractérisent. Elle est aussi nommée maladie de Munchmeyer, du nom du médecin qui en a décrit la première série de cas en 1869.  Pour autant, la description du premier cas de FOP reviendrait à un médecin français, le Dr Guy Patin, à la fin du 17e siècle. 

Les ossifications hétérotopiques sont en général précédées par une inflammation locale (gonflement, rougeur et chaleur de la peau, douleur) et elles peuvent s’accompagner de fièvre.  Leur survenue se fait par poussées, spontanées ou à la suite d’une lésion musculaire (étirement, choc, piqure intramusculaire...) ou d’une infection virale comme la grippe. 

À noter que toutes les poussées d’inflammation locale ne sont pas suivies de l’apparition d’une ossification hétérotopique. Par ailleurs, ossification hétérotopique et inflammation locale peuvent survenir à deux endroits différents.

Un début souvent dans la première décennie

Les poussées de FOP débutent souvent avant l’âge de 10 ans, en moyenne à 7 ans. Au fil du temps, les zones d’ossification ont tendance à « progresser » de la tête vers les pieds : développement au niveau cou, puis des épaules, du dos et des hanches, puis des membres, de leur racine vers leurs extrémités. Elles tendent à former des plaques ou des ponts osseux, comme un exosquelette interne ou un second squelette. Selon leur nombre et leur localisation, cela empêche plus ou moins les mouvements (mobilité réduite des articulations ou ankylose) et entraine des déformations (comme une scoliose), avec in fine une limitation de la marche, des troubles de l’équilibre, des chutes fréquentes et une perte d’autonomie.

Des zones épargnées

La FOP n’entraine pas d’ossifications dans les muscles lisses (digestifs, urinaires...), le diaphragme, les muscles de la langue, des yeux, des paupières et du cœur (myocarde).

Des complications possibles pour d’autres organes

La FOP peut entrainer : 

  • un déficit de l’audition,
  • des difficultés d’alimentation et de déglutition, par ossification de l’articulation de la mâchoire et des muscles masticateurs,
  • des troubles de conduction et du rythme cardiaque,
  • une insuffisance respiratoire, en raison de l’ossification de muscles respiratoires et de déformations de la colonne vertébrale,
  • une phlébite et une embolie pulmonaire, en raison du manque de mouvements.

Une grande variabilité selon les personnes

La FOP peut commencer à se manifester à l’adolescence, voire à l’âge adulte pour près de 7% des patients. Néanmoins, l’âge d’apparition ne conditionne pas l’évolution ultérieure. Une maladie qui a débuté tôt dans l’enfance peut évoluer ensuite de façon très lente, avec des poussées très espacées. Alors qu’une autre, apparue bien plus tard, pourra évoluer très rapidement.  
Au moment du diagnostic, rien ne permet de prédire le rythme et l’intensité des poussées ultérieures, ni quelles seront les complications. Et si l’espérance de vie moyenne dans la FOP atteint 56 ans, elle est très variable d’une personne à l’autre.  

Un retard diagnostique fréquent

En France, le diagnostic de FOP est posé à l’âge moyen de 10 ans, alors même que la présence d’un hallux valgus dès la naissance pourrait faire évoquer la maladie dès les premiers jours de vie chez la majorité des patients.  La maladie n’est même identifiée qu’après l’âge de 18 ans chez près de 15% des personnes qui en sont atteintes. Or tant que le diagnostic n’est pas posé, on ne peut pas bénéficier de mesures de prévention des poussées, avec le risque de subir des gestes qui les provoquent, comme une biopsie musculaire, une opération pour retirer une tuméfaction ou encore une vaccination intramusculaire. 

Rare à l’écoute, la chaine de podcasts dédiés aux maladies rares, a produit cinq épisodes sur la FOP pour mieux la faire connaitre et la prendre en charge. Ils sont à retrouver ici : Archives des SAISON 10 - Rare à l'écoute

Quelle est la cause de la FOP ?

La fibrodysplasie ossifiante progressive est une maladie génétique. Elle résulte d’un variant pathogène (mutation), quasiment toujours identique, au niveau du gène ACVR1, également appelé ALK2. Le diagnostic de la maladie repose sur un test génétique, pratiquée à partir d’une simple prise de sang. 
Identifié en 2006, le gène code une protéine (ACVR1/ALK2) impliquée dans le développement des os : le récepteur de type I de l’activine A. Les mutations responsables de la FOP entrainent l’hyperactivation du gène ACVR1. On parle de mutation « gain de fonction », avec pour conséquence le développement excessif de tissu osseux, à des endroits inhabituels.

Une mutation le plus souvent non héritée

La FOP se transmet sur le mode autosomique dominant. Nous possédons tous deux exemplaires du gène ACVR1. Il suffit qu'une anomalie touche un seul de ces deux exemplaires pour développer la maladie.  Cette anomalie peut être transmise (risque de 50%) par l’un des parents, lui-même malade.
En pratique cependant, rares sont les cas de FOP transmis par un parent atteint. La plupart de cas sont au contraire « sporadiques » : la mutation responsable de la maladie survient spontanément, chez un seul enfant, sans autre cas de FOP dans la famille. Et la probabilité que les parents, non atteints, aient un deuxième enfant atteint de FOP est infime (1%). Elle est liée à une possibilité d’une « mosaïque germinale » : un clone d’ovules ou de spermatozoïdes est porteur de la mutation, et les autres ovules ou spermatozoïdes n’en sont pas porteurs.

Qui consulter ?

La FOP toucherait en France moins de deux personnes par million d’habitants. Les professionnels de santé qui connaissent bien cette maladie et savent la prendre en charge de façon optimale sont peu nombreux, mais ils sont identifiables : ils sont regroupés au sein des 25 centres experts qui constituent le Centre de référence maladies osseuses constitutionnelles (CRMR MOC), lequel appartient à la filière de santé maladies rares OSCAR dédiée aux maladies rares de l'os, du calcium et du cartilage.

Accéder à la liste des centres experts en FOP de la filière OSCAR

Les centres experts du CRMR MOC exercent des missions de diagnostic, de prise en charge, et participent aux activités de recherche notamment sur le développement de nouveaux traitements spécifiques pour la FOP. 
La fréquence recommandée pour le suivi et les bilans réguliers (cardiaque, respiratoire, auditif, imagerie...) dans ces centres varie selon l’âge, a minima tous les ans chez l’enfant et tous les trois ans chez l’adulte. 
Les équipes du réseau du CRMR MOC exercent également une mission de conseils et de soutien aux professionnels de santé de proximité (médecin traitant, kinésithérapeute, dentiste...). Ils assurent enfin des missions de formation, de communication et de travail avec les structures internationales impliquées dans la maladie, comme l’International fibrodysplasia ossificans progressiva association (Ifopa) et l’International clinical council on fibrodysplasia ossificans progressiva (ICCFOP). 

Des ressources pour vos professionnels de santé non experts en FOP
•  Publié en 2024, le Protocole national de diagnostic et de soins (PNDS) détaille la prise en charge optimale d’une personne atteinte de FOP. Il s’accompagne d’une synthèse destinée au médecin traitant et comporte également une fiche, très détaillée, sur les soins dentaires à tous les âges de la vie.
•  L’association FOP France a conçu avec des experts un tutoriel vidéo destiné aux kinésithérapeutes amenés à prendre en charge des enfants ou des adultes atteints de cette maladie.
•  Les centres de référence et de compétences de la filière OSCAR délivrent une carte d’urgence, à toujours porter sur soi. Elle mentionne notamment les coordonnées des médecins référents et des recommandations de prise en charge. 
•  Téléchargeable sur le site Orphanet Urgences, la fiche « Bonnes pratiques en cas d’urgence » consacrée à la FOP décrit la maladie, les principales situations d’urgence rencontrées, les précautions à prendre et les traitements à mettre en œuvre. 

Mesures de prévention et traitements

Il n’existe pas encore de médicament approuvé en France qui agissent sur la cause de la FOP. La prise en charge se concentre donc sur la prévention et le traitement de ses manifestations et de leurs conséquences. 

Prévenir de nouvelles poussées

La fibrodysplasie ossifiante progressive contre-indique les biopsies musculaires. Sauf nécessité absolue, elle contre-indique également les injections intramusculaires, y compris les vaccins, car elles peuvent provoquer des poussées. 
L’utilité de chaque vaccination se décide au cas par cas selon les risques d’infection, l’âge de la personne et son état de santé (poussée en cours ou non), avec l’équipe du centre expert en charge du suivi.

Adopter la stratégie du « cocooning »
Parents, frères et sœurs, grands-parents ou encore aides humaines, tous les proches d’une personne atteinte de FOP doivent être à jour des différents vaccins obligatoires et recommandés en France. Ils doivent également se faire vacciner contre la grippe, même s’ils ne font pas partie des personnes à risque pour cette maladie. En se faisant vacciner, ils réduisent le risque de contracter différentes infections et donc de les transmettre à leur proche, atteint de FOP et qui ne peut pas se faire vacciner lui-même. Cette façon de faire est appelée le « cocooning ».

Les injections intradermiques (IDR) et sous-cutanées sont réalisables, après avis du médecin référent et en dehors d’une poussée. Les prises de sang sont également possibles, de préférence sans utiliser de garrot.

Les interventions chirurgicales doivent être évitées, sauf celles qui sont indispensables.  Ces dernières nécessitent la présence d’un anesthésiste expérimenté (intubation nasotrachéale et non orotrachéale). 

Enfin, il faut s’efforcer de limiter au quotidien le risque de chutes et de traumatismes musculaires : port de chaussures légères et antidérapantes, aménagement du domicile, évitement des sports à risque, exercices de prévention des chutes avec le kinésithérapeute, parfois port d’un casque chez les plus jeunes pour limiter le risque de traumatisme crânien...  

Traiter les poussées et leurs conséquences

Selon la localisation de la poussée, le traitement fait appel à des corticoïdes (comprimés ou injection intraveineuse) ou à un antiinflammatoire non stéroïdien (AINS) comme l’ibuprofène, pendant environ trois semaines.
Par exemple, une tuméfaction apparue sous le menton (risque respiratoire), au niveau d’une épaule ou d’une hanche nécessite une corticothérapie dans les 24 heures qui suivent. A contrario, une tuméfaction du dos ou de la nuque sera traitée par un AINS.

En complément, la prise en charge s’appuie sur :

  • des séances de kinésithérapie douce, y compris lors des poussées, précédées si besoin de la prise d’un antalgique, pour lutter contre la perte de mobilité.  De même, il est conseillé de favoriser chez l’enfant les mouvements au quotidien, à l’occasion de jeux par exemple. A contrario, les étirements et les mouvements passifs en force sont interdits car ils peuvent provoquer une poussée.
  • des aides techniques pour faciliter la toilette, l’habillement, les déplacements.
  • un suivi en ergothérapie pour favoriser les activités de la vie quotidienne et les loisirs, optimiser le positionnement et maintenir une autonomie maximale au fil de l’évolution.
  • une excellente hygiène dentaire, un suivi et des soins dentaires réguliers et précautionneux, en raison d’un risque majoré de caries et parce que des interventions dentaires importantes pourraient provoquer des poussées.
  • une mise sous antibiotique rapide en cas d’infection respiratoire, pour éviter une surinfection, de la kinésithérapie respiratoire en cas d’encombrement et une ventilation non invasive (VNI) en cas d’insuffisance respiratoire.
  • un accompagnement psychologique au cas par cas, pour le patient quel que soit son âge, ses parents, ses frères et sœurs.
  • un appareil auditif en cas de baisse de l’audition importante.
  • de la chaleur (balnéothérapie en eau tiède par exemple) pour apaiser les douleurs, ou à l’inverse du froid (gel en pack...) pour diminuer l’inflammation lors des poussées.
  • des médicaments antalgiques (paracétamol, voire opiacés) en phase de poussée mais aussi souvent en dehors.

Voir le « Repères » Douleur et maladies neuromusculaires

Les pistes de recherche

L’identification en 2006 du gène impliqué dans la fibrodysplasie ossifiante progressive a donné un nouvel élan à la recherche sur cette maladie. Elle est aujourd’hui très active, avec plusieurs candidats-médicaments en développement. 

En chiffres
8 essais cliniques
en cours ou en préparation dans le monde, dont 3 en France,
répertoriés sur le site Clinicaltrials.gov fin décembre 2024
1 registre ouvert à toute personne atteinte de FOP, porté par l’association internationale Ifopa
328 articles médico-scientifiques sur la FOP publiés ces cinq dernières années et référencés par Pubmed fin décembre 2024

Les candidats-médicaments en cours d’évaluation utilisent différentes approches, avec l’objectif de prévenir ou limiter l’apparition de nouvelles ossifications.

  • Le saracatinib ou AZD0530 inhibe le récepteur ALK2 ou ACVR1. Il fait l’objet de l’essai StopFOP en Allemagne, aux Pays-Bas et au Royaume-Uni.
  • Le zilurgisertib ou INCB000928 est également un anti-ALK2. L’essai Progress, dont le recrutement est en cours, a lieu dans plusieurs pays dont la France, chez des participants âgés de 12 ans et plus.
  • Le fidrisertib, BLU-782 ou IPN60130 cible également le récepteur muté ALK2/ ACVR1. L’essai Falkon, au recrutement terminé, est conduit chez l’enfant et l’adulte dans une vingtaine de pays dont la France.
  • Deux anti-interleukine 1 déjà commercialisées, l’anakinra (Kineret®) et le canakinumab (Ilaris®), vont être évaluées aux États-Unis dans le cadre d’une étude observationnelle chez des enfants et des adolescents.
  • L’andecaliximab est un anticorps monoclonal qui bloque la métalloprotéase matricielle 9 (MMP9). Un essai, en cours de recrutement aux États-Unis, l’évalue chez des enfants et des adultes.
  • Le garetosmab (ou REGN2477) bloque l’activine A. Il fait l’objet de l’essai Optima dans différents pays, dont la France. Son recrutement est terminé.
  • Le palovarotène (Sohonos®) est un agoniste des récepteurs de l'acide rétinoïque. L’essai Pivoine est en cours, notamment France, mais son recrutement est terminé.  Le Sohonos® dispose d’une autorisation de mise sur le marché (AMM) au Canada et aux États-Unis chez l’adulte et le grand enfant. La Commission européenne ne lui a pas accordé d’AMM en Europe. En France, le médicament est cependant disponible depuis octobre 2022 sur autorisation d’accès compassionnel.

Et la thérapie génique alors ?

La FOP résulte de la mutation d’un gène et l’idéal serait de corriger sa cause par thérapie génique. Les recherches en ce domaine sont au stade préclinique. Fin 2022, une équipe américaine a ainsi démontré la faisabilité et l’efficacité de trois approches chez une souris modèle de la maladie : transférer un gène ACVR1 normal, éteindre le gène ACVR1 muté et combiner ces deux actions.