Amyotrophies bulbo-spinales de l'enfant
Ce sont des maladies musculaires d'origine génétique extrêmement rares. Elles se manifestent par une faiblesse musculaire et des difficultés respiratoires, parfois une surdité. Un traitement est disponible : la vitamine B2 (ou riboflavine).
Qu’est-ce qu’une amyotrophie bulbo-spinale ?
Une amyotrophie bulbo-spinale est une maladie d’origine génétique, très rare, qui touche les cellules nerveuses commandant les mouvements : les motoneurones. Les muscles des jambes et certains muscles du visage et de la gorge (muscles dits 'bulbaires", qui ont donné leur nom à ces formes d'amyotrophie spinale) sont moins forts.
Il existe plusieurs formes d’amyotrophie bulbo-spinale :
- la maladie de Kennedy, qui débute plutôt à l’âge adulte et touche les hommes (elle est liée au chromosome X);
- les amyotrophies bulbo-spinales de l’enfant : la maladie de Fazio-Londe (également appelée « paralysie bulbaire progressive de l’enfant ») et le syndrome de Brown-Vialetto-van Laere, qui apparaissent dès l’enfance, chez les filles comme chez les garçons. Le syndrome de Brown-Vialetto-van Laere atteint par exemple 3 filles pour 1 garçon.
Les amyotrophies bulbo-spinales de l’enfant
La maladie de Fazio-Londe et le syndrome de Brown-Vialetto-van Laere sont comparables sur le plan de leurs manifestations. Leur seule différence est la présence dans le syndrome de Brown-Vialetto van Laere d’une surdité, qui n’a pas été décrite dans la maladie de Fazio-Londe.
Environ 80 cas d’amyotrophies bulbo-spinales de l’enfant ont été recensés à ce jour dans le monde.
Plusieurs codécouvreurs
Maladie de Fazio-Londe
En 1892, Eugenio Fazio décrit en Italie pour la première fois une même maladie chez deux frères de 5 et 6 ans dont les parents étaient cousins.
Deux ans plus tard, Paul Frédéric Londe, un médecin français, décrit un cas comparable qu’il qualifie de « paralysie bulbaire progressive, infantile et familiale ».
Syndrome de Brown-Vialetto-van Laere
En 1894, Charles Brown décrit en Angleterre une maladie aux symptômes proches de la sclérose latérale amyotrophique (SLA) mais touchant un garçon de 12 ans, associée à une surdité et à caractère familial.
En 1936, Ernesto Vialetto, un médecin italien, décrit des signes similaires chez trois enfants d’une même famille.
Trente ans plus tard, J Van Laere relate le cas de trois sœurs qui présentent une « paralysie progressive familiale » avec surdité.
À quoi sont-elles dues ?
Un déficit en transporteur de la vitamine B2
La maladie de Fazio-Londe et le syndrome de Brown-Vialetto-van Laere sont toutes deux dus à des anomalies (mutations) touchant les gènes SLC52A3 et SLC52A2. Ces deux gènes codent des protéines (hRFT2 et hRFT3) qui interviennent dans le transport de la vitamine B2 (ou riboflavine) : elles lui permettent d'être absorbée par les cellules.
Les anomalies génétiques responsables du syndrome de Brown-Vialetto-van Laere et de la maladie de Fazio-Londe entrainent un déficit en ces transporteurs de la riboflavine. Les médecins parlent de « riboflavinopathie ».
Ces anomalies génétiques se transmettent selon un mode autosomique récessif.
Qu’est-ce qu’une vitamine ?
Les vitamines sont des substances indispensables pour être en bonne santé. La plupart d’entre elles ne peuvent pas être synthétisées par l’organisme et sont exclusivement apportées par l’alimentation.
La vitamine B2 est nécessaire à l’utilisation des nutriments et à la production d’énergie par les cellules. Elle peut être synthétisée par l’organisme (plus précisément par les bactéries présentes à l’état normal dans l’intestin) mais en quantités trop faibles pour couvrir les besoins. L’apport alimentaire en vitamine B2 reste donc essentiel.
Quels sont les symptômes ?
Les manifestations de la maladie de Fazio-Londe et du syndrome de Brown-Vialetto-van Laere débutent habituellement dans les premières années de vie, parfois dès les premiers mois.
Très variables d’un enfant à l’autre, ces manifestations peuvent consister en :
- une baisse progressive de l’audition (pour le syndrome de Brown-Vialetto-van Laere),
- des difficultés pour avaler (dysphagie),
- une modification de la voix (dysphonie),
- des difficultés d'élocution (dysarthrie),
- une raréfaction des mimiques du visage,
- une faiblesse des muscles de la langue,
- une atteinte des muscles responsables des mouvements des yeux,
- une chute de la paupière supérieure (ptosis) qui peut gêner la vision,
- une baisse de la vision,
- des troubles de la marche et de l’équilibre,
- une atteinte des muscles du cou (tête tombante) et du dos,
- des infections respiratoires à répétition et des difficultés à respirer.
De petits mouvements incontrôlables des muscles des jambes ou de la langue (appelés « fasciculations ») peuvent également apparaitre, de même qu’une anémie.
En l’absence de supplémentation par la vitamine B2, ces manifestations tendent à s’aggraver de façon progressive, sur un rythme plus ou moins rapide selon les enfants.
Les difficultés respiratoires font, avec les difficultés à avaler, toute la gravité de ces maladies.
Que peut-on faire ?
La prise en charge de la maladie de Fazio-Londe et du syndrome de Brown-Vialetto-van Laere se conçoit au mieux dans le cadre de consultations pluridisciplinaires spécialisées dans les maladies neuromusculaires.
Des apports de vitamine B2
Depuis la découverte en 2010 de l'implication d’un transporteur de la viatmine B2 (riboflavine) dans la survenue de ces maladies, un traitement par vitamine B2 à haute dose a permis une stabilisation, voire une amélioration, des signes musculaires (mais pas de la surdité) de beaucoup d’enfants concernés.
La dose prescrite va de 10 à 40 mg par kilo de poids et par jour.
Le suivi des personnes traitées par vitamine B2 montrent :
- soit une amélioration (motrice, auditive, respiratoire, visuelle) qui survient dans les jours ou les mois qui suivent la mise en route du traitement ; lentement progressive ou rapide, elle est parfois spectaculaire avec une récupération totale ;
- soit une stabilisation des symptômes.
Un début précoce du traitement semble entrainer une amélioration plus rapide, ce qui incite les médecins à proposer de la vitamine B2 dès qu’ils ont une forte suspicion d’amyotrophie bulbo-spinale de l’enfant, sans attendre la confirmation génétique du diagnostic.
Traiter avant la naissance, in utero, s'avère également très bénéfique comme cela a été montré chez une mère enceinte qui a reçu de fortes doses de vitamine B2 (riboflavine) dès le troisième trimestre de la grossesse et a donné naissance à un enfant né sans aucune difficulté neurologique et avec un développement psychomoteur normal.
Sur ordonnance, pas sur Internet !
La vitamine B2 est, certes, en vente libre, mais l’automédication est fortement déconseillée. Ce traitement doit être encadré par un médecin d’un centre de référence ou de compétences spécialisés dans les maladies neuromusculaires.
Prévenir et traiter les complications
- La prise en charge des troubles de l’audition repose sur des appareils auditifs, voire des implants cochléaires si nécessaire, et sur des séances d’orthophonie. Ces dernières sont également utiles pour rééduquer la voix.
- La prise en charge des difficultés respiratoires est très importante pour assurer un bon développement de l'appareil respiratoire et prévenir les complications éventuelles. Selon l'âge de l'enfant et le degré d'atteinte musculaire, elle associe la kinésithérapie respiratoire, la toux assistée, la ventilation assistée. Les vaccinations contre la grippe et contre le pneumocoque sont préconisées pour limiter la survenue d’infections broncho-pulmonaires favorisée par la faiblesse des muscles respiratoires.
- Les difficultés pour avaler peuvent être améliorées par de séances de rééducation (orthophonie, kinésithérapie) et une modification de la texture des aliments. Manger assis avec la tête un peu penchée en avant contribue à limiter le risque de fausses routes. En cas de difficulté majeure pour s'alimenter par la bouche, le médecin propose une sonde nasogastrique, voire une gastrostomie.
- L’atteinte musculaire et ses conséquences orthopédiques (rétractions musculaires…) nécessitent des séances de kinésithérapie, parfois un appareillage (corset, orthèse cervicale…), plus rarement de la chirurgie.
- Le conseil génétique permet d'informer et d'accompagner une personne, ou une famille, confrontée au risque de développer ou de transmettre ces maladies.
Où en est la recherche ?
Les travaux de recherche ont connu une accélération majeure dans les années 2010. La découverte des gènes en lien avec les amyotrophies spinales de l’enfant a très vite été suivie par les premiers essais d’un traitement efficace : une supplémentation par vitamine B2 à haute dose.
Quelques mois seulement entre l’identification des gènes et le premier traitement
Les deux gènes en lien avec le syndrome de Brown-Vialetto-van Laere et la maladie de Fazio-Londe (SLC52A3 et SLC52A2) ont été identifiés respectivement en 2010 et en 2012.
Le fait qu’ils codent pour deux transporteurs de la riboflavine (hRFT2 et hRFT3), eux-mêmes décrits très peu de temps auparavant (2009 et 2010), a permis d’envisager rapidement un traitement par vitamine B2 à fortes doses.
Les premiers résultats de cette supplémentation ont été publiés dès 2011. Trois ans plus tard, une équipe internationale a rapporté les résultats positifs de la prise de vitamine B2 par un plus grand nombre d’enfants et d’adultes (16 personnes) atteints de syndrome de Brown-Vialetto-van Laere ou de maladie de Fazio-Londe et porteurs de mutations du gène SLC52A2.
Des avancées thérapeutiques sont encore nécessaires pour définir notamment les modalités optimales de la supplémentation.
Une recherche internationale
Compte tenu de l’extrême rareté des amyotrophies bulbo-spinales de l’enfant, la recherche est internationale. Les équipes les plus impliquées se situent en Angleterre, en Italie et aux Pays-Bas où des spécialistes des maladies métaboliques sont à l’origine du protocole de traitement à base de vitamine B2.
Les médecins et les chercheurs impliqués se réunissent de façon régulière pour partager leurs résultats à l’occasion de grands colloques internationaux, notamment ceux consacrées aux maladies neuromusculaires : le congrès annuel de la World Muscle Society et le congrès Myology, organisé par l’AFM-Téléthon tous les 4 ans.
Comment fait-on le diagnostic ?
À l’examen clinique, l’association de signes relevant d’une atteinte du motoneurone (corne antérieure de la moelle épinière) et de troubles bulbaires est évocatrice d’une amyotrophie bulbo-spinale de l’enfant.
Des examens complémentaires permettent de confirmer cette hypothèse.