Téléthon 2015 : le rythme des essais et des résultats s'accélère
Depuis 1987, le Téléthon est le symbole du refus et de la résistance des malades et des familles face à la fatalité. Pour beaucoup, il incarne l'espoir d'une vie meilleure, car les découvertes faites pour les maladies rares servent aussi les pathologies fréquentes.
Les valeurs fondatrices de l’AFM-Téléthon portent, particulièrement cette année, l’ensemble des citoyens.
« Dans le contexte difficile que connaît la France, plus que jamais, les valeurs de l’AFM-Téléthon — Refuser, Résister, Guérir — trouvent une résonnance », a souligné Laurence Tiennot-Herment, présidente de l’association à l’occasion de la conférence de presse scientifique qui s’est tenue ce matin à l’Institut de Myologie (Paris). De fait, notre pays a besoin de ce “14 juillet en hiver”, de cette fête de la solidarité et de la générosité. Enfin, encore aujourd’hui,des maladies rares n’ont pas encore de traitements. Il faut donc continuer à chercher d’autant que les résultats obtenus intéressent aussi les pathologies fréquentes. »
Un constat illustré par l’essai clinique de thérapie cellulaire à base de cellules souches embryonnaires humaines, mené dans l’insuffisance cardiaque sévère, mené par Philippe Menasché, de hôpital européen Georges Pompidou. En effet, ce traitement est issu des travaux initiés par Michel Puceat en 2007 alors à I-Stem (Institut des cellules Souches pour le Traitement et l’Etude des maladies Monogéniques) et soutenu par l’AFM-Téléthon. Or, la première malade traitée en octobre 2014 a vu son état s’améliorer, tout comme le deuxième patient qui a reçu le même traitement il y a deux mois. « Et, il n’y a pas de frontière étanche entre malades rares et maladies fréquentes, assure Philippe Menasché. Pour preuve : la plateforme de production de ces cellules souches embryonnaires destinées aux malades, qui se trouve à l’hôpital Saint-Louis (Paris), intéresse d’autres porteurs de projets dans des maladies rares de la peau, de la rétine, du muscle. Par ailleurs, nos travaux expérimentaux récents dans la cardiomyopathie dilatée, une maladie génétique, montrent que ce traitement peut préserver la fonction cardiaque. »
En matière de thérapie génique, les résultats de l’essai clinique, dont Généthon est le promoteur, dans le syndrome de Wiskott-Aldrich, un déficit immunitaire rare et sévère, sont très encourageants(voir actualité du mois d'avril 2015). Chez les malades traités, « les taux de lymphocytes T [qui reconnaissent notamment les cellules infectées par un virus, ndlr.] sont complètement restaurés. L’immunité humorale [schématiquement la production d’anticorps, ndlr.] est en cours d’amélioration. Enfin, le nombre de plaquettes augmente avec le temps et devient peu à peu suffisant pour arrêter les saignements, » indique Marina Cavazzana-Calvo, coordinatrice de Centre d'Investigation Clinique en biothérapie, hôpital Necker – Enfants malades. Ainsi, 6 des 7 enfants traités vont de mieux en mieux ; certains ayant retrouvé une vie quasi normale comme Sethi, un des ambassadeurs de ce Téléthon.
Un succès qu’espère obtenir Federico Mingozzi, responsable de l'équipe Immunologie et thérapie génique dans les maladies du foie à Généthon, qui travaille sur une thérapie génique dans la maladie de Crigler Najjar, une pathologie rare du foie. Dans ce cas, il s’agira d’apporter le gène thérapeutique directement dans le sang des malades. Or, le chercheur est confiant car « nous avons constaté dans les modèles animaux, qu’augmenter de seulement 5 % l’activité de la protéine qui fait défaut chez les malades, suffit à améliorer leur état général. » De fait, chercheurs, médecins mais aussi les associations de malades — dont l’AFM-Téléthon et l’Association française de Crigler-Najjar — préparent actuellement un essai clinique qui, du fait de la rareté de cette maladie, devra être européen.
Enfin, comme tient à le souligner Serge Braun, directeur scientifique de l’AFM-Téléthon, « depuis toujours, l’association ne met pas tous ses œufs dans le même panier, car les maladies rares, au même titre que les pathologies fréquentes, nécessitent plusieurs approches. » Une démarche qui peut être illustrée avec les épidermolyses bulleuses, des maladies de la peau, rares et très invalidantes. L’une des pistes explorées consiste à apporter, sur les zones lésées, de la peau saine obtenue à partir de cellules souches embryonnaires humaines. D’ores et déjà, un traitement similaire est en préparation à Généthon pour les lésions cutanées engendrées par la drépanocytose, une maladie génétique du sang. Autre voie envisagée : corriger génétiquement les propres cellules de la peau du malade. Ce projet est porté par Alain Hovnanian de l’institut Imagine (Paris), soutenu par l’AFM-Téléthon. Enfin, des travaux visent à corriger le gène malade, soit au niveau de l’ARN avec par exemple le saut d’exon, un traitement déjà à l’essai dans la myopathie de Duchenne, soit directement au niveau de l’ADN. « Ainsi, on peut imaginer qu’un jour, il existera des pommades renfermant ces traitements qui pourront être appliquées sur les zones malades, conclut Serge Braun. Certes, cela peut paraître de la science fiction, mais peut-être pas tant que ça comme le montrent les avancées faites ces dernières années. En outre, ces traitements développés pour des maladies rares de la peau, intéresseront à terme le diabète ou les grands brûlés. Autrement dit, comme toujours, l’AFM-Téléthon s’inscrit dans une stratégie d’intérêt général pour que ces découvertes servent au plus grand nombre. » Pas de doute donc : le Téléthon, c’est l’affaire de tous.