Myopathie de Duchenne : l’annonce faite à la fratrie
Comment les parents d’un enfant atteint de DMD annoncent-ils la maladie à ses frères et sœurs ? Une étude qualitative américaine explore ce processus et sa préparation.
Pour analyser le processus de l’annonce d’une maladie neuromusculaire par les parents aux frères et sœurs, des chercheurs américains ont réalisé, de novembre 2017 à décembre 2018, une étude qualitative dans la dystrophie musculaire de Duchenne.
Dans cette étude basée sur des entretiens téléphoniques et l’envoi de questionnaires, 10 parents ont été interrogés, les répondants étant en majorité les mères (9 et 1 père). Ces parents avaient chacun un enfant atteint de myopathie de Duchenne avec un diagnostic posé dans les 10 années précédant l’étude, à l’âge moyen 4,5 ans. L’ensemble des fratries étaient constituées de 19 enfants non atteints, âgés de 8 à 17 ans au moment du diagnostic ou de l’inclusion dans l’étude.
Les entretiens ont été centrés sur l’évaluation de l’expérience du diagnostic pour les parents, sur la préparation et le processus de révélation de l’annonce de la maladie à la fratrie et sur les aspects émotionnels sous-jacent.
Un processus d’annonce progressif et ouvert
Le moment choisi pour l’annonce varie d’une famille à l’autre. L’annonce est majoritairement faite peu après le diagnostic de l’enfant malade mais parfois plusieurs années après. Le contexte douloureux et les émotions que la révélation du diagnostic suscite poussent les parents à donner, dans un délai assez court, des explications sur ce qui se passe. Lorsque les frères et sœurs sont jeunes, l’annonce au sens « nom de la maladie » est reportée pour prendre plutôt la forme d’interprétations plus compréhensibles de la situation (l’enfant a mal aux jambes, ses muscles ne fonctionnent pas, nous devons nous en occuper, l’emmener chez le docteur…). Pour les enfants plus grands, des informations sur la progression de la maladie sont données.
Par la suite, les parents disent expliquer peu à peu d’autres aspects. Ils évoquent une communication sur la maladie ouverte, avec des conversations fréquentes en famille. L’annonce est assimilée peu à peu par les frères et sœurs et ces derniers posent des questions sur l’évolution de la maladie. Parfois, une prise de conscience douloureuse fait irruption chez eux, lors d’étapes comme la perte de la marche et ils réalisent ce qu’ils n’avaient pas encore compris, comme la sévérité de la maladie.
Un soutien par les pairs incontestable
Les parents insistent sur l’importance de parler avec d’autres parents concernés, notamment via les groupes Facebook. Ils trouvent aussi de l’aide au contact des associations de patients concernés par la maladie de Duchenne : des mises en relation avec d’autres familles sont possibles, ainsi que la mise à disposition de documents utiles sur la maladie et sa prise en charge.
Un manque de repères pour préparer cette annonce
L’étude révèle le manque d’accompagnement de l’équipe médicale qui a posé / annoncé le diagnostic aux parents pour préparer l’annonce à la fratrie ; de fait, la préparation de l’annonce se révèle ardue et accablante. Afin d’en savoir plus, certains parents ont réinterrogé le conseiller en génétique pour mieux comprendre le contexte et les conséquences de la maladie sur les frères et sœurs. D’autres se sont appuyés sur des informations recueillies sur internet, ou des brochures données au moment du diagnostic… Le conseil souvent donné par les experts de communiquer à la fratrie une information adaptée à l’âge et répondre aux questions lorsque l’enfant les pose se révèle finalement trop vague et pas assez concret.
Enfin, cette étude fait ressortir la prise de conscience par les parents des besoins des frères et sœurs de l’enfant atteint, en particulier le poids que la maladie leur fait porter. Ils évoquent ainsi les conversations avec leurs enfants leur permettant de dire l’anxiété et d’autres émotions négatives qu’ils traversent. Elle souligne également que, malgré un processus compliqué par l’intensité émotionnelle du contexte, les familles s’efforcent de maintenir, avec la fratrie, des échanges ouverts sur la question de la maladie.
« Bien que difficile, communiquer à la fratrie le nom de la maladie, mais surtout parler en mots simples de ses signes cliniques est une volonté affichée des parents. De par le caractère évolutif de la maladie, nous pouvons noter qu’ils parlent plus des conséquences au quotidien, alors qu’il semble plus difficile de parler de l’avenir. De même, il semble difficile d’échanger sur les informations génétiques.
Dans une précédente étude (Plumridge et al. 2010 ; résumé in Cahiers de Myologie N° 4), il est noté que le mode de transmission influe sur la communication des informations génétiques à la fratrie. Si cette dernière est désireuse d’en recevoir, le mode de transmission lié à l’X induit une forte charge émotionnelle chez les mères lorsqu’elles en parlent aux enfants non atteints.
Il ressort de la présente étude que le processus de partage d’informations sur la maladie ne se limite pas au moment de l’annonce, mais est progressif, guidé par l’arrivée de nouveaux signes cliniques. Cela demande aux parents d’être disponibles quand cela survient. Si tel n’est pas le cas, il peut-être souhaitable, de dire à la fratrie que l’on a entendu le questionnement et que l’on va se trouver un moment au calme, pour prendre le temps d’en parler un peu plus tard.
L’étude insiste beaucoup sur le besoin de préparation nécessaire pour se sentir à l’aise dans l’échange et l’insuffisance de repères donnés par les professionnels. Les parents compensant ce manque par eux-mêmes via les groupes sociaux et les associations qui jouent alors un rôle d’informations et de support social important.
Parler de la maladie avec la fratrie de manière progressive et séquentielle est aussi une occasion pour que les frères et sœurs s’expriment, à une période de vie donnée, sur leurs propres émotions ; ce qui permet de rendre les échanges plus fluides et la prise en considération de ces émotions par les parents. Ainsi, parler de la maladie et partager ces ressentis devient un bon moyen pour que la fratrie soit aussi l’objet de l’attention parentale, alors que l’enfant atteint capte souvent l’essentiel des préoccupations des parents.
Toutefois communiquer sur la maladie semble plus difficile à certaines périodes sensibles, comme celle de la perte de la marche et sans doute à l’occasion de grandes décisions (interventions chirurgicales…). Là, le recours à un cadre d’aide psychologique peut-être nécessaire car tout le monde est émotionnellement touché dans la famille. »
Christian Réveillère, Psychologue conseil AFM-Téléthon
Source
Open communication of Duchenne muscular dystrophy facilitates disclosure process by parents to unaffected siblings
Sulmonte LAG, Bisordi K, Ulm E, Nusbaum R.
J Genet Couns. 2020;10.1002/jgc4.1315.