Myasthénie : la greffe de cellules souches, un traitement d’exception
Recevoir des cellules souches peut aider à opérer un véritable « reset » du système immunitaire dans différentes maladies auto-immunes, comme la myasthénie.
La greffe de cellules souches dites « hématopoïétiques » permet de donner naissance à de nouvelles cellules immunitaires, tolérantes aux constituants de l’organisme dans lequel elles sont implantées. Cette stratégie de traitement des maladies auto-immunes a émergé voici plus de 25 ans. Les médecins l’utilisent aujourd’hui, notamment, dans la myasthénie.
Des indications précises
Selon des recommandations françaises publiées fin 2022, cette greffe est indiquée jusqu’à l’âge de 65 ans en cas de myasthénie auto-immune sévère, réfractaire aux différents médicaments immunosuppresseurs. Une situation rarissime si l’on en juge par les données du registre de la Société européenne de transplantation de sang et de moelle osseuse. Sur 4 317 personnes ayant reçu en Europe une telle greffe pour une maladie auto-immune depuis 1997, seules 11 étaient atteintes de myasthénie.
En pratique
Dans l’immense majorité des cas, les cellules souches hématopoïétiques (CSH) greffées proviennent de la personne malade elle-même (cellules dites « autologues »). La greffe se déroule en quatre étapes :
- Déplacement des CSH de la moelle osseuse, où elles naissent, vers le sang grâce à l’injection d’un facteur de croissance.
- Prélèvement des CSH.
- Chimiothérapie intensive (immunosuppression) pour éradiquer les cellules immunitaires auto-réactives, responsable de la myasthénie, chez la personne malade.
- Injection par voie intraveineuse (greffe) des CSH.
La plupart des patients en rémission durable
Entre 2001 et 2022 au Canada, 21 personnes ont bénéficié d’une greffe de cellules souches autologues dans un délai de deux à 22 ans après le diagnostic de myasthénie avec auto-anticorps anti-RACh ou anti-MuSK. Toutes avaient une forme sévère de la maladie en dépit de différents traitements à visée immunitaire (corticoïdes, rituximab, azathioprine, immunoglobulines...).
Sur 18 patients évaluables, 16 ont atteint le critère principal d’efficacité de la greffe : ils n’avaient aucun symptôme de myasthénie ou en avaient des manifestations minimales en l’absence de traitement spécifique, ledit traitement ayant pu être arrêté dans un délai de de 0 à 5,6 ans après la greffe de cellules souches. Ils sont restés stables ensuite. Les deux autres personnes évaluables ont connu une amélioration importante de la maladie, mais ont dû poursuivre un traitement (allégé) à base d’immunosuppresseurs et/ou d’anticholinestérasiques.
Ne pas négliger les risques
Sur les trois patients non évaluables pour le critère principal de l’étude, l’un avait une myopathie liée à la prise de corticoïdes au long cours. Les deux autres sont décédés dans les 100 jours qui ont suivi la greffe, d’une complication (insuffisance respiratoire et infection grave) liée à ce traitement et notamment aux traitements préparatoires qu’il nécessite, soit une mortalité de 9,5%.
Pour l’équipe canadienne qui a conduit cette étude, ce chiffre n’est pas surprenant au regard de la gravité de la situation des personnes candidates à la greffe (forme sévère de la maladie, comorbidités induites par les nombreux traitements immunosuppresseurs successifs...). Leur taux de mortalité, sans greffe, pourrait ne pas être très différent.
Sources
Greffe de cellules souches hématopoïétiques dans les maladies auto-immunes – Protocole national de diagnostic et de soins
Mathec – FAI2R – MaRIH
Octobre 2022
EBMT registry Autoimmune Diseases Working Party
European Society for Blood and Marrow Transplantation, avril 2024
Refractory myasthenia gravis treated with autologous hematopoietic stem cell transplantation.
Beland B, Storek J, Quartermain L et al.
Ann Clin Transl Neurol. 2025 Jan;12(1):56-68.