Duchenne : restaurer la mémoire chez des souris modèles grâce au saut d'exon
Deux équipes françaises montrent pour la première fois qu’une restauration partielle de dystrophine dans le cerveau attenue certains troubles comportementaux chez la souris modèle de myopathie de Duchenne.
Depuis quelques années déjà, les déficits cognitifs et émotionnels dans la dystrophie musculaire de Duchenne (DMD) sont de plus en plus étudiés et caractérisés. Ils sont associés à l’absence de dystrophine dans des régions spécifiques du cerveau, telles que l’hippocampe et l’amygdale, ce qui impacte en premier les émotions et la mémoire.
Dans une étude publiée en mai 2022, deux équipes françaises ont cherché à restaurer la dystrophine dans certaines régions du cerveau de souris mdx adultes, modèle animal de la DMD et en ont étudié les effets sur ces deux fonctions cognitives atteintes.
L’hippocampe est une structure du cerveau qui appartient au système limbique (« cerveau émotionnel »). Il joue un rôle central dans la mémoire, l’apprentissage, l’attention et l’orientation dans l’espace. C’est la première structure touchée chez les personnes atteintes d’Alzheimer, ce qui explique leurs problèmes de mémoire et d’orientation.
L’amygdale, de la taille d’une amande chez l’Homme, est « le système d’alerte » de notre cerveau car elle est impliquée dans les réactions comportementales face à différentes situations émotionnelles, comme la peur et l’anxiété.
Une réexpression de la dystrophine dans le cerveau
Afin de rétablir l’expression de la dystrophine dans les souris mdx, les chercheurs ont ciblé son ARNm et plus précisément l’exon 23, avec différentes doses d’oligonucléotides antisens, les tricyclo-ADN optimisés, injectés par voie intracérébrale. L’action de ces tricyclo-ADN a permis d’atteindre des taux de dystrophine de 10 à 30% des quantités normales en fonction des doses et des régions cérébrales. Dans une autre expérience, les auteurs ont montré que le pic d’expression de la dystrophine se situe entre six et sept semaines après l’injection.
Une nette amélioration de la mémoire à long-terme
Cette première série d’expériences a permis aux scientifiques de déterminer la dose et la période de traitement optimales pour évaluer les fonctions cognitives chez les animaux traités. La mémoire à long terme a été préservée dans le groupe des souris traitées comparé au groupe contrôle (souris mdx non traitées). Ce résultat est attribué à la production de la dystrophine dans l’hippocampe des souris traitées. Il est d’autant plus intéressant que la performance enregistrée de ces souris est similaire à celle des souris non malades même si cette restauration n’est que partielle. Dans l’amygdale qui joue un rôle central dans la mémoire émotionnelle, la dystrophine restaurée était plus faible en accord avec des performances plus mesurées de la mémoire émotionnelle chez les souris traitées.
Un autre modèle pour se rapprocher des conditions réelles de la maladie humaine
Dans une étude datée de Mars 2023, les chercheurs ont évalué la restauration de la mémoire émotionnelle chez des souris mdx52 ayant une mutation dans l’exon 52. Cette mutation provoque chez ces souris une forme plus représentative de la maladie humaine (65% des personnes atteintes de DMD).
Les oligonucléotides antisens utilisés pour cibler l’exon défectueux, ont rétabli l’expression la dystrophine de 5 à 15% des taux normaux dans l’hippocampe, le cervelet et le cortex avec des niveaux stables entre sept et onze semaines après l’injection.
Cette restauration partielle a permis de réduire la peur et l’anxiété excessives qui caractérisent les souris mdx52, ainsi que d’améliorer leur mémoire émotionnelle.
Source
Partial Restoration of Brain Dystrophin and Behavioral Deficits by Exon Skipping in the Muscular Dystrophy X-Linked (mdx) Mouse.
F. Zarrouki, K. Relizani, F. Bizot et al.
ANN NEUROL 2022;92:213–229
Partial restoration of brain dystrophin by tricyclo-DNA antisense oligonucleotides alleviates emotional deficits in mdx52 mice
A. Saoudi, S. Barberat, O. le Coz et al.
Mol Ther Nucleic Acids . 2023 Mar 21;32:173-188.