Amyotrophie spinale et thérapies innovantes : quelle est la valeur d’une vie ?
L’AFM-Téléthon interpelle.
lI y a trois mois, la société américaine Avexis a déposé une demande d’autorisation de mise sur le marché, simultanément en Europe, aux Etats-Unis et au Japon, pour la thérapie génique de la forme sévère (type 1) de l’amyotrophie spinale. Ce premier pas vers un médicament de thérapie génique pour cette maladie neuromusculaire (Zolgensma/AVXS-101) est une double bonne nouvelle pour les malades et leur famille : c’est la confirmation des résultats impressionnants obtenus dans le cadre des essais cliniques et c’est l’immense espoir pour les malades de se voir proposer un traitement qui, en une seule injection, modifie spectaculairement le cours de la maladie. Le tout grâce à des travaux qui ont débuté dans nos laboratoires. La thérapie génique a permis aux enfants traités le plus tôt de faire leurs premiers pas, ce qui était totalement inimaginable auparavant. Et, dans tous les cas, le traitement a sauvé la vie d’enfants condamnés à mourir avant l’âge de deux ans.
Pourtant, pour les malades et les familles, l’euphorie aura été de courte durée… Le 5 novembre dernier, lors d’une réunion d’investisseurs, le Président d’Avexis a évalué la valeur de son produit entre 4 à 5 millions de dollars par patient, s’empressant d’ajouter qu’il ne s’agissait pas du prix qui serait négocié avec chaque pays. Pourtant, cet ordre de grandeur a bien été confirmé le 8 janvier, à la Conférence annuelle J.P Morgan sur la santé, par le Directeur Général de Novartis, propriétaire d’Avexis, et justifié par « les incroyables bénéfices thérapeutiques » qu’apporte ce produit. Soyons-en conscients : cette communication publique prépare l’annonce d’une revendication de prix très élevée qui risque, à terme, de menacer l’accès des patients à cette réelle innovation thérapeutique.
Aujourd’hui, le prix d’un médicament est négocié en fonction de l’estimation de sa « valeur », c’est-à-dire des bénéfices qu’il apporte aux malades et à la collectivité, et non en fonction de ce qu’il coûte à l’industriel (recherche, développement, production, commercialisation et rémunération raisonnable du risque pris). Ces estimations reposent sur des calculs complexes, des hypothèses discutables et des modèles médico-économiques dont la pertinence reste à prouver. Elles prennent notamment pour référence des prix obtenus ou négociés pour d’autres médicaments à des niveaux déjà abusivement élevés. C’est le cas par exemple du Spinraza, la molécule développée par la société Biogen pour l’amyotrophie spinale, dont le prix revendiqué, toujours en cours de négociation en France, est sans commune mesure avec son coût ! Ce prix est déjà un frein à l’accès des malades à ce produit partout en Europe. Pour les maladies sans alternative thérapeutique, cette approche génère donc une dérive exponentielle des prix revendiqués, totalement déconnectés des coûts réels. Car quel calcul, quel modèle médico-économique peut répondre à cette question : que vaut le premier pas d’un enfant qui n’aurait jamais dû marcher, que vaut la vie d’un enfant que l’on sauve de la loterie génétique ? La vie ne peut être enfermée dans un calcul de prix indépendant de la réalité des coûts supportés.
Depuis plusieurs années maintenant, nous alertons les pouvoirs publics et demandons un changement de paradigme dans la fixation des prix des médicaments innovants. Nous alertons également sans relâche sur la nécessité de construire, en France, une filière efficiente des biothérapies innovantes, condition sine qua non pour garantir notre indépendance nationale dans ce domaine et permettre la mise sur le marché de ces médicaments de nouvelle génération à un prix maitrisé. A notre grand désarroi, nous n’avons pas été entendus et l’on voit aujourd’hui les limites de l’écosystème actuel inadapté à la révolution médicale qui a débuté partout dans le monde.
A l’ensemble des acteurs, nous demandons donc de la modération et de la transparence dans la revendication des prix des traitements innovants afin qu’ils soient accessibles à l’ensemble des patients et à notre système solidaire de santé. Nous demandons également aux pouvoirs publics de s’emparer enfin de cette problématique vitale alors qu’émergent les premières thérapies innovantes pour des maladies considérées comme incurables pendant des siècles et qui voient se concrétiser aujourd’hui les premières victoires contre l’inéluctable.